Haredim
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Les haredim ou « Craignant-Dieu » (en hébreu חרדים), souvent appelés « ultra-orthodoxes », sont des juifs orthodoxes ayant une pratique religieuse particulièrement forte. Ils ne constituent pas un ensemble uniforme et comprennent en leur sein des hassidim, des mitnagdim, des sefardi, des mizrahim, etc. Chaque communauté haredi interprète les principes qui leur sont communs avec quelques variantes.
Depuis la fin du XIXe siècle, ils rejettent partiellement la « modernité », que ce soit dans le domaine des mœurs ou des idéologies. Du fait de leur méfiance vis-à-vis des innovations sociales, les haredim vivent généralement en marge des sociétés laïques environnantes, même juives, dans leurs quartiers et sous la direction de leurs rabbins, seule source de pouvoir pleinement légitime à leurs yeux. C’est aussi le plus important groupe juif actuel affichant ses réticences face au sionisme, et même parfois son hostilité.
Ils sont aujourd’hui fortement implantés en Israël, où ils ont leurs quartiers (et même leurs villes), leurs partis politiques, leurs magasins et leurs écoles. Ils sont également présents dans beaucoup de communautés juives de la diaspora, en particulier en Amérique du Nord et en Europe occidentale.
Sommaire
- 1 Orthodoxes et ultra-orthodoxes
- 2 Origine de la divergence entre orthodoxes et ultra-orthodoxes
- 3 Spécificités du monde haredi
- 4 Divisions du monde haredi
- 4.1 Divisions entre mitnagddim et hassidim
- 4.2 Divisions entre hassidim
- 4.3 Divisions sur le sionisme
- 4.4 Divisions sur la « modernité »
- 4.5 Divisions entre orientaux et occidentaux
- 4.6 Divisions sur les contraintes religieuses
- 4.7 Divisions politiques
- 5.1 Violence entre haredim
- 5.2 Violence contre d’autres Juifs
- 5.3 Violence contre les haredim
- 5 Les haredim et la violence
- 6 La croissance démographique du monde haredi
- 7 Perception par les haredim des non haredim
- 8 Perceptions des haredim par les autres Juifs
- 10.1 Articles connexes
- 10.2 Bibliographie
- 10.3 Liens externes
- 9 Synthèse
- 10 Voir aussi
- 11 Notes et références
Orthodoxes et ultra-orthodoxes
Les sociologues israéliens font souvent une distinction entre les « laïcs » (peu intéressés par la religion, mais pas forcément anti-religieux), les « traditionalistes » (pratique religieuse partielle), les « orthodoxes » (pratique religieuse stricte, mais immersion dans le monde moderne) et les « ultra-orthodoxes », ou haredim (pratique religieuse stricte, refus de certaines formes de la « modernité », volonté de séparatisme social fort : vêtements spécifiques, quartiers spécifiques, institutions religieuses spécifiques)[1].
Les haredim ne se définissent pas eux-mêmes comme des ultra-orthodoxes, mais comme des juifs orthodoxes haredim (les « Craignant-Dieu »). La racine du mot haredi est harada, le mot le plus fort en hébreu pour la peur. Le haredi est celui qui est « terrifié » à l’idée de violer une des 613 mitzvot.
Les orthodoxes « modernes » et les haredim ne diffèrent pas d’un point de vue théologique, mais dans leur mode de vie et leurs orientations politiques.
Origine de la divergence entre orthodoxes et ultra-orthodoxes
Page de garde d’un Talmud
Pendant des siècles, la notion de Juifs orthodoxes n’existait pas : il aurait fallu pour cela des Juifs hétérodoxes. Il y en avait d’ailleurs certains (les karaïtes, par exemple), mais pas suffisamment pour qu’une dénomination spécifique existe.
Au XIXe siècle, la modernité occidentale a entraîné des évolutions fortes dans le judaïsme, d’abord en Allemagne, puis dans toute l’Europe. On a vu en particulier apparaître dans la première moitié du XIXe siècle en Allemagne un « judaïsme réformé », qui entendait réviser la place du Talmud. Le « judaïsme orthodoxe » a donc dû se définir comme gardien de la tradition religieuse.
Mais la question de la « modernisation » de la religion juive n’a pas été la seule posée. C’est la question de la modernisation des sociétés juives dans leur ensemble (structures sociales, structures de pouvoir, rapport à l’État) qui a aussi été posée. Et sur ces différents points, les réponses entre orthodoxes ont divergé.
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, le courant dit de la néo-orthodoxie allemande, derrière le rabbin Samson Raphael Hirsch (1808-1888), théorise une approche prudemment ouverte à la modernité technique et sociale. Les Juifs doivent rester proches de leurs valeurs, mais ils peuvent participer à la vie sociale de la société dans laquelle ils évoluent. Contrairement aux réformés (et aux assimilationnistes) qui considèrent que le fait religieux juif doit rester purement privé, la néo-orthodoxie considère que les Juifs doivent aussi exister en tant que collectivité organisée. Et ils doivent refuser les aspects du monde moderne contraires aux 613 mitzvot (commandements) recensées par la tradition.
Un autre courant a en revanche rejeté en bloc l’entrée dans les sociétés occidentales, considérées comme antinomiques dans leurs valeurs avec la tradition juive. Ce courant s’est surtout exprimé en Europe centrale et orientale. Il accepte certains aspects de la modernité technique, mais réfute presque tous les aspects de la « modernité » sociale ou politique : nationalisme, démocratie, sortie du Ghetto, etc.
Dans un premier temps, les orthodoxes sont restés assez unis. Ainsi, la néo-orthodoxie allemande et les conservateurs est-européens ont fondé ensemble le parti Agoudat Israël en 1912 en Pologne. Ils sont à l’époque pénétrés des risques courus par les Juifs religieux en général, et se rassemblent donc. Ils rejettent ensemble le sionisme, l’assimilation, le socialisme, l’athéisme, etc. Mais dans l’entre-deux-guerres, les divergences entre orthodoxes « modernes », plus ou moins influencés par les thèses du rabbin Samson Raphael Hirsch, et conservateurs se sont accentuées. On peut alors parler de l’existence pleinement assumée d’une branche spécifique : l’ultra-orthodoxie. Les orthodoxes « modernes » ont d’ailleurs quitté l’Agoudat Israël à cette époque.
Spécificités du monde haredi
Le monde haredi a aujourd’hui des spécificités nombreuses, tant vis-à-vis des non-Juifs que des Juifs laïcs et des Juifs religieux orthodoxes « modernes ».
Le pouvoir
Rabbins dirigeants de la dynastie des Hassidim de Tchernobyl.
Deux principes fondamentaux sont appliqués dans le monde haredi : Daat Torah : « ce que dit la Torah », et Emounat Hakhamim : « la foi dans les sages ». « Il faut entendre par-là un système […] dans lequel toute pensée, toute action est gouvernée par les textes sacrés. Il n’y a pas de combinaison possible avec une autre source d’inspiration, une autre philosophie. Et la Loi religieuse n’est pas censée régir un domaine spécifique de la vie, mais la vie dans son intégralité »[2]. Ces deux principes absolus ont plusieurs conséquences :
D’une part, la Torah doit être la source de toute législation, et le refus de l’État juif d’accepter ce principe lui retire sa légitimité (voir le chapitre sur le rapport au sionisme). Pour la même raison, il ne doit pas y avoir de constitution en Israël. De fait, le mouvement sioniste a accepté ce principe et a seulement mis en place des « lois fondamentales »[3]. La distinction est symbolique, mais les haredim y tiennent.
La démocratie est un principe de fonctionnement qui met l’avis de la majorité au-dessus de Dieu. La démocratie ne gêne pas les haredim chez les non-Juifs (qui sont libres de faire comme bon leur semble). Mais chez les Juifs, elle est une remise en cause manifeste de Daat Torah et de Emounat Hakhamim.
Enfin, chaque Juif pieux doit se donner un rabbin, qui guidera sa vie, dans les moindres détails. De même, tout rabbin réfère lui-même à son propre rabbin. En haut de la pyramide, on trouve les sommités, communément dénommées les « sages », ou « grands de la Torah ». Ils peuvent se distinguer par leur extrême érudition, qui fait d'eux les plus grands décisionnaires du droit rabbinique, ou bien par leur extrême piété, leur valant le titre de Tsadik (littéralement « juste », mais voulant ici dire « saints »). Ils sont souvent l’objet de ce qui ressemble à un culte de la personnalité, car « ils ont accès à la “connaissance suprême”, ils voient ce qui va se passer dans le long terme, à un niveau supérieur »[4].
En pratique, les communautés hassidim (un des deux courants principaux du judaïsme haredi) ont un référent suprême, leur Admor, ou Rebbe héréditaire, descendant de dynasties remontant au XVIIIe ou au XIXe siècle.
Les rabbins haredim du courant Mitnagdim, ou « lituanien », réfèrent eux à leur chef de yeshiva (généralement celle où ils ont suivi leurs études). Ces mêmes chefs de yeshiva peuvent eux-mêmes rendre compte à un chef de yeshiva plus prestigieux.
Admor ou chef de yeshiva, les « grands » sont souvent âgés, et vivent en général isolés, ne lisant pas les journaux ni ne regardant la télévision. Certains ne sortent quasiment jamais de chez eux, et encore moins des quartiers réservés où ils vivent. Leurs informations sur le monde extérieur passent souvent à travers le filtre d’un entourage réduit, qui acquiert ainsi pouvoir et influence. Les plus grands « sages » vivent en Israël et aux États-Unis. Compte tenu de leur influence sur les partis religieux israéliens (bon nombre de haredim israéliens dépendent d’un « sage » américain, ou l’inverse), ils sont évidemment courtisés par les politiciens israéliens.
Personne ne coiffe les « grands » eux-mêmes, à part, dans une certaine mesure, le « conseil des grands » des trois partis religieux (quand ils y adhèrent, ce qui n’est pas toujours le cas). Le grand rabbinat israélien n’a aucune véritable influence sur eux. Cette situation sans instance décisionnaire suprême peut mener à des affrontements parfois virulents, voire physiquement violents, entre partisans de tel ou tel « luminaire », chacun étant persuadé de la supériorité absolue du point de vue de son « sage ».
Daat Torah et Emounat Hakhamim existent aussi chez les orthodoxes « modernes », mais le pouvoir du rabbin référant se limite surtout au domaine religieux, pas aux autres domaines (pour les haredim, tout est religieux). En Israël, les orthodoxes « modernes » reconnaissent en général l’autorité du grand rabbinat israélien.
Pendant des décennies, les haredim sont restés très indépendants du grand rabbinat, considéré comme trop sioniste et pas assez strict en matière religieuse. Depuis les années 1990, les haredim ont pris une influence grandissante sur le grand rabbinat, mais ce sont les « sages » extérieurs à celui-ci qui conservent l'autorité suprême du monde haredi.
Le séparatisme
Consultation des affiches dans le quartier haredi de Mea Sharim (Jérusalem) en 2006. Les affiches murales sont une voie traditionnelle de communication des positions de Rabbins dans les quartiers ultra-orthodoxes.
L’idéal des haredim reste une vie juive regroupée autour des rabbins, refusant beaucoup d’aspects du monde moderne (la télévision est particulièrement rejetée), avec des quartiers séparés des non-Juifs et des Juifs laïcs. Physiquement, leurs vêtements noirs (les « hommes en noir » selon l’expression israélienne) les font remarquer facilement. On n’est cependant pas en présence d’une attitude de rejet de la modernité aussi radicale que celle des Amish : l’électricité, la voiture, l’ordinateur, l’avion, sont acceptés.
La vision fondamentale des haredim est que le monde qui les entoure est une source permanente de perversion. La télévision ou la publicité y sont une source d’images débauchées ou violentes. Les valeurs d’indépendance de l’individu, de relativisme idéologique, d’égalité des sexes ou des religions y sont régulièrement affirmées. Il est illusoire de croire, comme les orthodoxes, qu’on peut vivre dans ce monde tout en respectant strictement les 613 mitzvot. La menace est permanente. Pour ne pas y succomber, il faut vivre en groupe, dans des quartiers à part, sous la stricte direction des rabbins.
La sexualité est particulièrement centrale dans le rejet par les haredim du monde moderne. La crainte de la tentation sexuelle est permanente. Non seulement la femme haredi doit avoir une tenue « pudique » (qui implique par exemple de cacher ses cheveux), mais toutes les femmes qui rentrent dans les quartiers haredi doivent en théorie en faire de même. Cette volonté de contrôle social est une des raisons du choix des haredim de vivre dans des quartiers à part (souvent appelés ghettos en souvenir des anciens ghettos d’Europe orientale). Ils ont développé dans ces quartiers une société à part, avec ses magasins, ses écoles, ses institutions, ses journaux.
La géographie
Jeunes Haredim avec des travailleurs sikhs à New York, en 2005.
Les populations haredim sont beaucoup plus concentrées que la population juive en général, conséquence de la volonté de vivre séparément des sociétés modernes.
Les haredim sont aujourd’hui surtout nombreux en Israël et aux États-Unis. On en trouve aussi des communautés relativement importantes en Grande-Bretagne et en Belgique principalement à Anvers, à Londres, mais aussi à Paris ou Zurich. En France les communautés haredi se regroupent autour de yeshivot ; elles sont présentes essentiellement à Paris (et dans des communes de sa banlieue comme Brunoy[5], Épinay-sur-Seine, Sarcelles et Créteil), Strasbourg, Marseille et Aix-les-Bains.
En Israël, les principales communautés sont par ordre d’importance décroissante :
- l’agglomération de Jérusalem, où ils sont environ 200 000,
- Bnei Brak, une ville presque totalement ultra-orthodoxe de 170 000 habitants dans la banlieue de Tel-Aviv,
- Ashdod, où plus de 50 000 haredim vivent au sud de Tel-Aviv,
- Betar Illit et Modiin Illit des colonies israéliennes de Cisjordanie (Judée-Samarie), créées au milieu des années 1990 et situées à proximité de l’ancienne « ligne verte ». Elles comptent chacune près de 50 000 habitants,
- Bet Shemesh, où ils sont un tiers de la population de la ville soit environ 25 000,
- ainsi que d'autres villes comme Ofakim.
Les haredim sont également nombreux dans les villes saintes de Safed et de Tibériade.
Aux États-Unis, c’est surtout dans l’agglomération de New York (en particulier à Brooklyn) que se concentrent les haredim. Certaines communautés ont érigé de véritables municipalités juives dans ce pays, c'est le cas des hassidim de Satmar dont certains se sont regroupés au sein de Kiryas Joel dans le comté d'Orange (État de New York)[6].
Le sionisme
Les haredim rejettent originellement assez largement le sionisme, encore que ce rejet ait connu des évolutions. Selon une thèse historiquement dominante (mais pas exclusive[7]) chez les religieux, Dieu a détruit le royaume d’Israël pour punir les Juifs, et seul son messie peut le recréer. La vie en terre sainte est possible, mais toute tentative autonome de créer un État est une révolte contre Dieu. Ainsi le Talmud de Babylone (Massekhet Ketoubot 111a), dans son commentaire du Cantique des cantiques déclare[8] :
- qu'Israël ne « forcerait pas la muraille » (c'est-à-dire que le peuple d'Israël s'engage à ne pas conquérir Eretz Israel par la force).
- Que YHWH a fait jurer à Israël qu'il ne se rebellerait pas contre les nations (c'est-à-dire que le peuple d'Israël s'engage à obéir aux gouvernements pendant son exil, en attendant « que la main de Dieu se manifeste aux yeux du monde[9] »).
- Qu'en échange, YHWH a fait jurer aux nations de ne « pas trop » (yoter midai) opprimer Israël.
Cette vision, connue sous le nom des « trois serments, […] a joué un rôle considérable dans la pensée religieuse antisioniste, et […] est encore évoquée aujourd'hui par […] les Netourei Karta et les hassidim de Satmar[10] ».
Massekhet Ketoubot indique que Dieu promet que les nations n'essaieront pas de détruire le peuple d'Israël. La Shoah a donc été interprétée par certains haredim comme la conséquence inévitable de la violation par les sionistes des deux premières promesses.
Avec le temps, les haredim ont fini (majoritairement du moins) par accepter l’État d’Israël. Les partis qui les représentent ont même des ministres. Mais le « culte » de l’État propre aux sionistes (même aux sionistes religieux) leur semble être une idolâtrie condamnée par la Bible. D’où une attitude actuelle très ambiguë, faite d’acceptation et de réticence. Ainsi lors du retrait des colonies israéliennes de la bande de Gaza, en 2005, certains haredim sont restés neutres, certains ont approuvé, d’autres se sont opposés. L’attitude majoritaire fut cependant très réservée.
Le parti Shass, émanation des haredim séfarades, a évolué de façon plus affirmée que les partis haredim d'origine européenne. Marquant la fin de cette évolution déjà ancienne, le parti a annoncé en 2010 sa volonté d'adhérer à l'Organisation sioniste mondiale[11]. À cette occasion, un représentant du Shass, Yaakov Margi, a déclaré « nous nous définissons comme un parti sioniste, en tant que Juifs pratiquants qui aiment Israël[11] ».
À l'inverse, certains groupes, comme les Neturei Karta, la Edah Haredit ou les hassidim de Satmar sont toujours très fortement antisionistes : « nous sommes des Juifs orthodoxes anti-sionistes. Et nous sommes opposés au sionisme pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’établissement d’un État en Palestine est une chose qui viole la Torah, la loi religieuse juive. Il contredit les dispositions s’agissant des punitions et de l’exil décrétés par Di-u[12] à l’époque du Temple. L’établissement de l’État sioniste contredit la volonté de Di-u en cherchant un remède matériel à une condition spirituelle. En plus, le mouvement sioniste depuis des décennies se dévoue à extirper la foi traditionnelle de la Torah. Tout cela se passe dans le contexte d’une méchanceté morale très grave contre le peuple palestinien, une chose qui viole gravement la Torah ! »[13].
La science et le rationalisme
La science n’a aucune valeur particulière. À la vérité scientifique tributaire, de ses axiomes et de sa méthode, ils opposent la « vérité absolue » à laquelle seule l’étude des textes sacrés permet d'accéder. On note une certaine hostilité, ou au moins un certain mépris, à l’égard de la science. Le journal haredi Yated neeman rappelle ainsi de nombreuses erreurs scientifiques, et conclut « pourquoi devrions-nous passer notre temps à étudier des « faits » dont la moitié seront regardés dans dix ans comme faux[14] » ? Mais les productions de la science, comme les machines ou les traitements médicaux, ne sont pas forcément rejetées.
Les inventions ou les concepts qui sont susceptibles de violer la loi religieuse juive sont par contre refusés : Internet ou télévision (à cause de leurs images « indécentes »), théorie de l'évolution (qui s'oppose au créationnisme religieux). Ainsi, pour un des dirigeants du Shass (parti haredi séfarade) « une femme séfarade qui embrasse avec dévotion un rouleau de la Torah vaut mieux que cinquante professeurs qui enseignent que l’Homme descend du singe »[15].
Mais le degré de rejet varie d’une communauté à une autre. Par exemple, le septième Rabbi de Loubavitch enseignait que l'avancée technologique était l'œuvre de la Providence divine, dans le but que les Juifs servent Dieu avec encore plus d'efficacité et dans des domaines jusqu'alors inaccessibles. De fait, il fut le premier instigateur de cours de Torah à la radio, à la télévision et même par multiplex satellite, dès les années 1980.
Les milieux haredim sont relativement perméables aux craintes de malédictions. Ainsi « des rabbins ont organisé une prière collective dans les locaux de la Sécurité sociale israélienne à Tel-Aviv pour conjurer une malédiction prétendument jetée sur ses employés par des personnes privées d’allocations »[16]. En 1985, le ministre de l’intérieur (du parti haredi Shass) a « expliqué un terrible accident dans lequel un train est entré en collision avec un autobus d’enfants par la vengeance de Dieu en raison de la désacralisation du chabbat avec l’ouverture des cinémas le vendredi soir »[17]. Après la mort brutale en décembre 1989 de Zion Garmi, directeur adjoint du ministère des Cultes, « une rumeur persistante dit qu’il aurait été maudit par trois fonctionnaires du ministère, et que même Itshak Kaddouri, le célèbre cabbaliste […] n’a pas réussi avec ses incantations à effacer la malédiction[18] ».
L’étude
L’étude des textes religieux dans une yeshiva est l’objectif premier de tout homme haredi. On voit même des cursus d’études religieuses pour femmes se développer. Là où cela est possible, l’homme haredi va donc essayer de consacrer tout son temps à l’étude, en évitant la perte de temps (Bitoul Torah[19]) d'un travail laïque. Là où cela ne l’est pas, il essaiera de cumuler les deux activités.
Les études séculières, par contre, sont assez dévalorisées. Elles sont une perte de temps, puisqu’elles gênent l’étude religieuse. Pas ou peu de médecins, avocats, ingénieurs ou simplement plombiers chez les haredim israéliens. Il y en a plus en diaspora.
En Israël, les haredim ont obtenu des financements d’État considérables pour leurs activités, ce qui permet à une forte proportion d’hommes adultes de consacrer tout leur temps à l’étude. En pratique, en particulier du fait d'une tendance à la diminution des aides étatiques, les statistiques montrent que la situation socio-économique contraint quand même bon nombre de haredim à travailler dans le secteur marchand. Néanmoins, « plus de 70 % des ultra-orthodoxes hommes et environ 50 % des femmes ne sont pas employés[20] ». En diaspora, ces financements sont absents ou limités, et le temps passé à l’étude doit être rogné pour permettre un travail rémunérateur.
Fin 2005, Yissachar Dov Rokeach II, l’actuel rebbe de la dynastie hassidique de Belz, a surpris en appelant ses partisans israéliens à suivre des formations professionnelles et non plus seulement des études religieuses, et ce afin d’améliorer leur statut socio-économique. Il a annoncé que les yeshivot de Belz réserveraient « quelques heures par semaine en soirée » à ces formations[21]. Cette évolution limitée est révélatrice des problèmes économiques rencontrés par des haredim israéliens centrés sur l’étude et très dépendants des subventions d’état.
La vie de famille
Les mariages se font jeunes, en général par l'entremise d'un marieur (Shadkhan), chargé de trouver et de proposer le meilleur parti. Avoir un maximum d’enfants est pour les haredim d’un commandement religieux important : « croissez et multipliez » (Genèse 1:28, 9:1,7). Sauf cas médicaux, les familles ont 5 à 10 enfants (7 enfants par famille en moyenne en Israël en 2005).
La femme est sous l'autorité de son père jusqu’au mariage, puis celle de son mari. Ainsi, quand des conflits surviennent entre communautés haredim, ou lors des élections en Israël (voir plus bas), la femme doit suivre la communauté et le parti de son mari, non celui de son père.
« La chasteté de la femme préoccupe énormément la société ultra-orthodoxe. Elle doit non seulement cacher ses cheveux, ses bras et ses jambes jusqu’à ses chevilles, mais même en présence de tiers, le moindre contact physique avec un homme qui n’est pas son mari lui est interdit[22] »,[23]. Selon la loi juive (codifiée dans le Choulhan Aroukh), elle ne doit d’ailleurs jamais se retrouver seule avec un homme autre que son mari (ou son père, grand-père, frère, fils, petit-fils, etc). Il est également interdit à l'homme de se retrouver seul avec une femme autre que la sienne (ou l'une de ses proches parentes)[24]. Dans les années 1980, des passages piétons séparés pour les hommes et les femmes ont ainsi été créés dans certaines zones haredim, afin d’éviter les frôlements involontaires entre hommes et femmes sur les passages les plus fréquentés.
Fin 2007, à Jérusalem, ville avec une forte proportion de haredim, une trentaine de bus sont organisés autour d'une séparation des sexes, les hommes ayant des places réservées à l'avant, et les femmes à l'arrière, tout mélange étant prohibé[25].
Ces contraintes limitent fortement les capacités de sorties de la femme haredi, que ce soit pour les loisirs ou le travail.
Dans la majorité des groupes haredim, on a noté depuis les années 1970-80 une tendance au développement du travail des femmes (plus important en 2007 et en Israël que le travail des hommes[20]). Les familles nombreuses ont en effet des besoins financiers importants, surtout là où le mari ne travaille pas, mais se consacre à l’étude des textes sacrés (essentiellement en Israël). En 2007, une « enquête montre que les hommes de la communauté ultra-orthodoxe consacrent la plupart de leur temps à l'étude religieuse et ne travaillent pas, la charge de gagner un revenu retombant sur les femmes[20] ». Ce travail est un facteur limité mais réel de renforcement du poids de la femme haredi[26]. Le travail des femmes est limité par deux facteurs : il n’est pas question d’accepter que la femme haredi fasse un travail dans un milieu mixte homme – femmes, ce qui réduit fortement le nombre de postes accessibles ; les grossesses fréquentes rebutent beaucoup d’employeurs. Certains haredim (Edah Haredit) considèrent une telle évolution vers le travail des femmes comme un grave péché.
Les enfants doivent être élevés si possible dans des écoles religieuses spécifiques : c’est assez simple en Israël, parfois plus difficile en diaspora, surtout dans les groupes les plus petits. Ce qui encourage d’ailleurs les regroupements en communautés compactes, dotées de leurs propres écoles.
L’homosexualité ou le concubinage, péchés bibliques, sont totalement rejetés.
Le statut socio-économique
On a vu que les haredim avaient des familles nombreuses, faisaient peu d’études « modernes » susceptibles de déboucher sur des emplois bien rémunérés, essayaient (surtout chez les hommes et en Israël[20]) d’éviter un travail rémunéré pour se consacrer à l’étude religieuse. Ces trois phénomènes impliquent un niveau socio-économique assez défavorisé, surtout en Israël. En 2005, les chiffres officiels y indiquent que 21,3 % des haredim vivent en dessous du seuil de pauvreté[1]. Les communautés israéliennes sont donc assez dépendantes des fonds éducatifs d’État, ainsi que des aides sociales de l’État Providence, ce qui renforce le rôle des partis politiques haredim (qui en répartissent certaines ou font pression pour les obtenir), et l’acceptation de fait de l’État sioniste, pourvoyeur de fonds.
La croissance démographique rapide des haredim rend de plus en plus difficile le fait de ne compter que sur des fonds d’État qui ne sont pas extensibles à l’infini. On note donc une proportion croissante de haredim israéliens de sexe masculin qui occupent un emploi rémunéré (30 % en 2007[20]). En diaspora, le travail rémunéré est beaucoup plus répandu (faute de subventions), et les haredim y ont donc généralement un statut socio-économique plus favorable qu’en Israël. Néanmoins, le recensement national américain de 2008 place l'enclave haredi de Kiryas Joel, Comté d'Orange, en tête du pays pour le taux de pauvreté. Avec un revenu moyen par foyer de 15 848 $, les deux tiers des habitants vivent sous la limite de pauvreté et le pourcentage de résidents recevant une aide alimentaire de l'État est de 40 %[27].
Un secteur économique connu pour sa forte présence haredi est celui de la taille des diamants.
La politique
Le rav Ovadia Yossef, chef spirituel des haredim sépharades
La société haredi n’est pas fondamentalement intéressée par la politique, car la priorité doit aller au religieux. Cependant, pour préserver ses intérêts, elle a été amenée à créer des partis religieux (Agoudat Israël, à l’origine, puis le Shass et Degel HaTorah). Agoudat Israël fut d’abord actif en diaspora, mais lui et ses scissions le sont aujourd’hui essentiellement en Israël. Ces partis spécifiques, qui épousent les divisions internes au monde haredi israélien, ont une double fonction. D’un point de vue idéologique, il s’agit de pousser des lois contraignantes sur le respect des commandements et en général de défendre une vision religieuse du monde dans la sphère des institutions politiques. D’un point de vue pragmatique, il s’agit de défendre des intérêts des haredim, en particulier la collecte de fonds d’État pour le financement des familles nombreuses et des institutions religieuses. En dernière analyse, il s’agit de permettre à autant d’hommes que possible d’étudier au maximum, en perdant un minimum de temps dans des activités annexes, comme le travail rémunéré. La politique de réduction des aides sociales menée par le gouvernement israélien depuis 2001 a donc suscité de fortes oppositions : « On ne peut dégager Sharon et Netaniahou de leurs responsabilités face à ce désastre social, mais ils n’auraient pas pu concevoir ce programme d’appauvrissement de masse […] sans l’impulsion et l’appui du parti capitaliste et profiteur de Lapid[28]. Lapid et ses camarades n’ont visé qu’un seul but : réduire le public orthodoxe à l’indigence, ses écoles à la pauvreté, et ses enfants à la famine[29] ».
Conformément à Emounat Khakhamim (la foi dans les sages), un des principes fondamentaux du judaïsme orthodoxe, chaque parti est gouverné par un « conseil des sages de la Torah » coopté (et en aucun cas élu). Le premier fut celui de l’Agoudat, et fut créé à Katowice en 1918. Un conseil ne se mêle pas de la politique au quotidien, mais définit les grandes orientations de son parti.
En Israël, Agoudat Israël représente surtout les hassidim d’origine européenne. Degel HaTorah représente surtout le courant « Lituanien » (mitnagdim) d’origine européenne (à l’exception des hassidim de Belz, qui soutiennent Degel HaTorah). Enfin, le Shass représente surtout les haredim d’origine orientale (séfarades). Contrairement aux deux premiers partis, il attire aussi un électorat non haredim : des orthodoxes et des traditionalistes séfarades. Mais le parti est sous le strict contrôle des haredim.
Agoudat et Degel sont en général regroupés au sein d’un cartel électoral très souple le « Judaïsme unifié de la Torah » (Yahadut Hatorah). Celui-ci a cependant connu quelques crises, et a alors temporairement cessé d’être actif.
Aux élections législatives israéliennes de 2013, le Shass a obtenu 8,7 % des voix (11 sièges sur 120), et Yahadut Hatorah 5,2 % des voix (7 sièges).
Spécificités : synthèse
Haredim se rendant à la synagogue, à Rehovot, en Israël, en 2004.
Par rapport aux autres Juifs religieux orthodoxes, les haredim ont donc pour spécificités :
- le séparatisme social (écoles spécifiques, magasins spécifiques), géographique (quartiers séparés, parfois physiquement fermés pendant le chabbat) et vestimentaire (vêtements noirs). Les orthodoxes « modernes » sont infiniment moins particularistes et n’ont par exemple ni quartiers réservés ni vêtements particuliers (à l’exception du port de la kippa et de vêtements « modestes » pour les femmes) ;
- des études religieuses extrêmement poussées. En Israël, les financements d’État des yeshivot permettaient à une forte proportion de haredim d’étudier le Talmud toute leur vie, sans travail rémunéré. Aujourd'hui, les dons provenant essentiellement de l'étranger (États-Unis, France) financent les yeshivot. En effet, les aides de l'État ont considérablement diminué. Les orthodoxes « modernes » font par contre des études séculières et occupent des emplois dans les secteurs économiques classiques ;
- un rapport au sionisme allant d’une hostilité viscérale (très minoritaire), ou un simple rejet (minoritaire), à une vision positive (minoritaire), en passant par une neutralité intéressée mais critique (majoritaire). Les orthodoxes « modernes » sont par contre aujourd’hui presque tous favorables au sionisme (ce qui n’était pas toujours le cas au début du XXe siècle) ;
- le refus des valeurs de la « modernité » sociale : mixité homme-femme, démocratie, « culte » de l’État, sexualité libérée. Dans ce domaine, les orthodoxes « modernes » sont plus ouverts, même si la liberté sexuelle est nettement rejetée ;
- l’hostilité à la science. Pour les Haredim, le Talmud détient la vérité et ne serait être contredit par une autre source de connaissance. Les sciences sont ainsi souvent considérés par les Haredim comme des menaces envers la foi orthodoxe. Chez les orthodoxes « modernes » la connaissance scientifique est plus acceptée, avec diverses tentatives de conciliation avec la foi ;
- En Israël, un statut socio-économique nettement inférieur à celui des orthodoxes « modernes ».
Divisions du monde haredi
Le monde haredi a de fortes spécificités. La vision extérieure des « hommes en noir » est donc souvent celle d’un groupe homogène et compact. Bien que partiellement exacte, cette vision doit être nuancée : les haredim n’ont pas de direction commune, et sont traversés par de nombreux clivages.
Divisions entre mitnagddim et hassidim
Le hassidisme s’est créé en Europe orientale vers le milieu du XVIIIe siècle. Par rapport aux autres haredim, les hassidim insistent particulièrement sur la communion joyeuse avec Dieu, en particulier par le chant et la danse, et sont organisés en communautés dirigées par un Admor (ou Rebbe) héréditaire.
Dès l’origine, nombre de rabbins se sont fortement opposés au hassidisme, d’où leur nom de mitnagddim, les « opposants ». On parle aussi de « Lituaniens ».
« Les hassidim [sont] portés vers la mystique fondée sur l’exaltation des émotions religieuses, tandis que les mitnagddim, majoritairement issus des écoles talmudiques de Lituanie, pratiquent un judaïsme plus austère, plus intellectualisé, fondé sur le principe de la casuistique dialectique (pilpoul). Critiquant une orientation hassidique assurant la suprématie de la Kabbale (mystique juive) sur la Halakha, les mitnagddim leur reprochent notamment une « joie de vivre », qu’ils estiment incompatible avec l’étude de la Torah. Enfin, le culte de la personnalité, traditionnel chez les hassidim, a toujours fait craindre aux Lituaniens l’apparition d’un nouveau pseudo-messianisme, rappelant ainsi l’aventure malheureuse du Messie auto-déclaré, Sabbataï Zevi[30] »
Cette hostilité s’est estompée dans la seconde moitié du XIXe siècle face à la montée du sionisme, de l’assimilation ou du socialisme. Mais elle n’a pas disparu. Le grand chef des mitnagddim jusqu’à sa mort dans les années 1990, le rav Shach (ou Chakh) a été jusqu’à se demander si les hassidim de Loubavitch étaient encore Juifs[réf. nécessaire]. Il n’a cependant pas étendu ce questionnement aux autres communautés hassidim.
Les mitnagddim sont centrés sur leurs chefs de yeshivot, tandis que les hassidim sont centrés sur leurs Admorim ou Rebbe (chefs religieux charismatiques et héréditaires).
Aujourd’hui, cette divergence ne s’exerce pas que dans les instances de pouvoir religieux internes au monde haredi. Elle s’exprime aussi politiquement : les hassidim sont généralement (en Israël) en faveur du parti Agoudat Israël, tandis que les mitnagddim ashkénazes votent plutôt Degel HaTorah (ou Hatora), et les orientaux Shass. Les hassidim hors Israël ont rarement des attaches partidaires.
Divisions entre hassidim
Il existe des dizaines de dénominations hassidiques. Chacune a son Admor ou Rebbe, et les affrontements sont parfois virulents, même si les divergences religieuses réelles sont très faibles. Les hassidim de Belz et ceux de Satmar se sont parfois affrontés en vastes bagarres collectives dans leurs quartiers de Jérusalem et de Brooklyn, du fait de leur divergences sur le sionisme (toléré par les Belz, radicalement rejeté par les Satmar), et du fait de la forte opposition entre leurs admorim. Les relations cordiales entre communautés hassidiques sont cependant très dominantes.
Par contraste, le monde mitnagddim est plus unifié, réuni autour d’un petit nombre de responsables de grandes yeshivot prestigieuses.
Divisions sur le sionisme
Une manifestation Neturei Karta le 7 septembre 2006, avec le drapeau palestinien.
On peut aujourd’hui compter quatre attitudes face au sionisme :
Une petite minorité, regroupée dans la Edah Haredit (centrée autour des hassidim de Satmar) et les Neturei Karta, est violemment antisioniste. Pour elle, le sionisme est toujours une rébellion contre Dieu, et doit donc être combattu. Le rejet est absolu. Ce rejet amène aussi au refus de l’hébreu moderne, considéré comme langue profane. L’hébreu doit rester une langue religieuse. À l’extrême inverse, on compte une petite minorité Haredi Tzioni qui se veulent à la fois haredim et sionistes religieux (généralement assez extrémistes d’ailleurs).
L'influent parti Shass, émanation des haredim séfarades, sans être historiquement Haredi Tzioni, a cependant annoncé en 2010 son ralliement officiel au sionisme et sa volonté d'adhérer à l'Organisation sioniste mondiale[11] ».
Le courant dominant est fait d’une réserve importante face au sionisme, idéologie qui, même dans son versant religieux (incarné entre autres par le Parti National Religieux, une des principales expressions des orthodoxes « modernes ») implique de placer son espérance dans l’État et pas seulement en Dieu. Ce qui est une forme d’idolâtrie. Mais l’État juif suscite quand même un certain intérêt.
Une minorité assez importante de haredim est allée plus loin que cette réserve. On les trouve par exemple chez les hassidim de Loubavitch, dans l’ancien parti Poale Agoudat Israël (aujourd’hui réunifié avec Agoudat Israël). Sans se rallier officiellement au sionisme, ils prennent de fait des positions très nationalistes. En outre, il est d'usage pour les hassidim de Loubavitch qui ont terminé leurs études religieuses d'effectuer leurs périodes de réserve dans l'armée israélienne.
Divisions sur la « modernité
De jeunes haredim, à la rencontre de la modernité vestimentaire et de la tradition.
Si la méfiance à l’égard de la « modernité » fait consensus, le degré de cette méfiance est assez variable.
Les haredim vivant dans les pays hors Israël ont normalement un travail (salarié ou profession libérale), et sont donc contraints par les réalités économiques d’accepter un certain degré d’ouverture au monde. Les sociologues ont noté que ceux qui émigraient en Israël (on en compte plusieurs dizaines de milliers sur les 30 dernières années) avaient parfois des tensions sur ce point avec les haredim israéliens. Les hassidim de Loubavitch, également, montrent une certaine ouverture, et ne craignent pas d’apparaître à la télévision, tout comme les haredim séfarades du Shass.
Beaucoup de courants haredim israéliens (surtout ashkénazes) sont plus réservés. La modernité technique est acceptée. Mais la télévision, la mixité restent objets de méfiance ou de refus. Il a quand même été noté que l’éducation des jeunes filles s’était beaucoup développée dans ces groupes par rapport à la situation du début du XXe siècle.
Enfin, un troisième courant, très minoritaire, rejette largement cette modernité, et considère que les haredim classiques sont devenus trop laxistes. Ces groupes sont surtout ceux de la Edah Haredit. L’éducation des filles y est par exemple volontairement maintenue à un niveau très primaire[31].
En conclusion, la méfiance commune face à la modernité (surtout sociale et politique) conduit à des prises de position allant d’assez larges accommodements à une hostilité farouche.
Divisions entre orientaux et occidentaux
Historiquement, l’ultra orthodoxie est ashkénaze. À compter des années 1950, des Séfarades sont rentrés dans le réseau scolaire Agoudat Israël, et on a vu apparaître des haredim séfarades. Ceux-ci sont restés au sein de l’Agoudat jusqu’en 1984. Mais leur mise à l’écart des centres de pouvoir a provoqué la scission du Shass en 1984. Les haredim séfarades ont aujourd’hui leurs propres chefs religieux (Ovadia Yossef), leur parti, et défendent les intérêts de leur communauté. Mais il n’y a pas non plus de rupture franche, en particulier avec le courant mitnagddim. Ils sont en effet souvent issus de ses yeshivot. Les divergences entre haredim orientaux et occidentaux ont en effet été renforcées par celles entre mitnagddim (lituaniens) et hassidim : « s’il est vrai que le Rav Schach [chef des mitnagddim occidentaux] sembla particulièrement soucieux de doter les haredim séfarades d’une réelle représentation politique corrigeant ainsi l’inégalité ethnique originelle, il convient de souligner que sa démarche fut également dictée par d’autres types de considérations, visant à la fois à asseoir le pouvoir des lituaniens au sein du camp haredi et à optimiser la structuration de celui-ci en vue de conquêtes électorales futures. L’opposition entre hassidim et lituaniens fut, par conséquent, à l’origine de Shas, réactivée par le Rav Schach mais aussi par le Rav Ovadia Yossef qui, bien que séfarade, était proche du courant lituanien[32] ».
En juin 2010, une décision d'un juge de la Cour suprême interdisant la ségrégation entre élèves ashkénazes et séfarades pratiquée dans l'implantation d'Immanuel provoque à Jérusalem une manifestation géante de protestation, à laquelle participent plus de 100 000 haredim[33].
Divisions sur les contraintes religieuses
À partir de 1977, les partis religieux se sont retrouvés dans un rôle de pivot politique en Israël, et en ont largement usé pour renforcer les lois de coercition religieuse (vente de porc, respect du chabbat…). Cette orientation s’explique pour deux raisons :
- Certaines mitzvot ne peuvent pas facilement être respectées de façon individuelle. C’est le cas de l’interdiction de regarder des images de « stupre ». Or, celles-ci s’étalent sur les publicités murales ou les couvertures de magazines. D’où la tentative d’interdire toute femme dénudée sur ces supports (en Israël), au moins dans les quartiers haredim.
- Il existe une tradition selon laquelle tout Juif est comptable du comportement des autres, ce qui fonde la punition collective de Dieu, détruisant l’Israël antique pour les manquements de certains. Le « bon comportement » des autres Juifs (les non-Juifs ne sont pas concernés) intéresse donc aussi les haredim.
Certains chefs religieux, comme le rav Chakh, ont cependant contesté partiellement les tentatives de coercition religieuse en Israël. Pour eux, elles amplifient le conflit avec les Juifs laïcs, elles n’empêchent pas ceux-ci de commettre leurs péchés dans le privé, et ne les sauvent donc pas de la punition divine. Enfin, demander à une Knesset comprenant des laïcs, des marxistes, des Arabes, de se prononcer sur la meilleure façon de suivre la loi religieuse juive n’est tout simplement pas sérieux.
Ce débat n’a jamais été vraiment tranché, mais la tendance à demander un renforcement de la législation religieuse en Israël est dominante.
Divisions politiques
Le parti Agoudat Israël (créé en 1912) est le parti historique des haredim, en Israël et dans le monde.
Il a connu des années 1920 jusque vers la fin des années 1980 une scission plus « nationaliste » et plus « moderniste », le Poale Agoudat Israël. Cette division n’existe aujourd’hui plus. Mais de nouveaux partis sont apparus.
C'est d'abord le Shass, en 1984, qui exprime les vues des haredim séfarades, mais qui a aussi réussi, fait exceptionnel pour un parti haredi, a attirer de nombreux électeurs non haredim. C’est ensuite Degel HaTorah, créé en 1988, qui exprime les vues des haredim mitnagddim ashkénazes.
Degel HaTorah et l’Agoudat se sont parfois violemment affrontés (élections israéliennes de 1988 en particulier). Mais ils ont aussi présenté un front électoral commun à partir des années 1990 : Yahadut Hatorah (Judaïsme unifié de la Torah).
L’attitude générale des haredim vis-à-vis de la politique reste en général assez distante. Participer aux votes n’est pas vraiment une priorité : seule l’étude religieuse l’est. On note en fait des attitudes divergentes selon les communautés : les hassidim de Gour, très impliqués dans l’Agoudat Israël, participent par exemple plus que les hassidim de Loubavitch, extérieurs au parti. Finalement, la participation dépend largement des instructions données par les rabbins de chaque groupe. La Edah Haredit refuse évidemment toute participation électorale aux institutions de l’État « impie ».
En conclusion, les divisions entre partis sont réelles, mais les fondamentaux restent cependant assez proches. La compétition pour l’attribution des fonds d’État aux organes éducatifs et religieux des différents groupes est cependant un objectif fondamental de ces partis, et mène parfois à des affrontements politiques.
Les haredim et la violence
Les haredim n'ont pas de rapport positif à l'armée. La plupart refusent ainsi le service militaire, même dans l’armée israélienne. Le député Ben-Shlomo, du Shass, dénonçant la mixité qui règne au sein de Tsahal, a ainsi déclaré en décembre 1984 que « si 603 soldats israéliens sont morts durant la guerre du Liban [de 1982], c’est à cause de conduite sexuelle licencieuse des femmes soldats »[34].
Violence entre haredim
La violence n’est cependant pas étrangère à la société haredi. C’est une société qui se sent en effet agressée en permanence par un monde étranger et hostile (même juif). Cela mène à des tensions régulières. Il ne s’agit pas tant du rapport aux non-Juifs, dont les valeurs n’intéressent guère les haredim, que du rapport aux autres haredim ou aux autres Juifs. Ces tensions se traduisent parfois par de la violence.
La multiplicité des communautés hassidim et des yeshivot implique un monde haredi très divisé. Les affrontements, assez rares, y sont donc parfois brutaux. On a parlé des bagarres entre hassidim de Belz et de Satmar.
On peut aussi rappeler l’agression en 1983 du député Agoudat Israël Menahem Porush par des hassidim de Gour, également Agoudat, qui l’accusaient d’avoir « insulté » leur Admor. Menahem Porush avait passé plusieurs jours à l’hôpital.
La violence peut enfin cibler des kiosques à journaux qui vendent les journaux d’une autre tendance haredi, les biens d’une autre communauté, voire des individus considérés comme ayant une pratique religieuse trop laxiste[35].
Les religieux non haredim peuvent aussi être visés du fait de leurs pratiques trop « laxistes ». Ainsi, en janvier 2008, « une famille d'un des quartiers orthodoxe moderne a reçu des avertissements et des menaces en raison du téléviseur de leur salon, visible d'une artère principale qui bordait un projet de logement ultra-orthodoxe[35] ».
Violence contre d’autres Juifs
Tel Aviv, symbole du sionisme, taguée sur ce panneau de signalisation à Jérusalem
Les violences contre les Juifs non haredim ne sont pas rares en Israël : pierres lancées contre les voitures roulant le chabbat, cocktails Molotov contre des cinémas ouvrant le chabbat, intimidation pour faire partir les laïcs vivant dans les quartiers à dominante haredi, sabotage de fouilles archéologiques (risquant de déranger la sépulture des morts), émeutes contre des autopsies (interdites par la loi juive). En 1986 eut lieu la « guerre des abribus », destruction systématique par les haredim des abribus se trouvant dans ou près de leurs quartiers et affichant des publicités comportant des images « indécentes ». Dans les années 1980 est apparu un groupe clandestin haredi israélien appelé Keshet (Arc-en-ciel), spécialisé dans les attaques contre les biens (mais jamais contre les personnes elles-mêmes) appartenant à des individus ou des groupes considérés comme hostiles aux haredim. On leur doit ainsi de nombreux incendies contre des kiosques à journaux vendant une presse « impie » dans les quartiers haredim.
Toujours dans le cadre de ces heurts avec des laïcs, les conduites « indécentes » ou « incorrectes » peuvent être des cibles. Ainsi, « en octobre [2007], cinq hommes ultra-orthodoxes ont agressé une femme et un soldat […] qui s'étaient assis l'un à côté de l'autre à un arrêt de bus de Beit Shemesh[35] », apparemment sans être mariés.
En 2008, la police israélienne a engagé des poursuites contre la « garde de la modestie », une « bande qui s'est fait connaître pour ses extorsions, […] la violence et la surveillance à l'encontre des juifs les moins religieux qu'ils jugent sacrilèges[36] ». Le groupe est ainsi suspecté d'avoir envoyé des « mercenaires » « pénétrer dans le domicile d'une femme de Jérusalem et l'avoir battue parce qu'ils la jugeaient immodeste », ce que le journal Haaretz estime être « l'un des signes d'une augmentation de la violence ultra-orthodoxe[36] ».
Plus rarement, des haredim antisionistes peuvent s'en prendre plus ou moins violemment aux symboles de l'État sioniste, ou à ceux qui les défendent. Ainsi, lors des cérémonies du soixantième anniversaire de la création d'Israël, « un résident de Jérusalem de 60 ans a été agressé […] par un groupe important de Haredim dans le quartier de Mea Shearim pour avoir porté un drapeau israélien […] a indiqué la police ». L'homme, poussé à terre pour lui arracher son drapeau, n'a cependant pas été blessé[37].
La violence verbale n’est pas rare non plus. Les attaques contre les groupes « hétérodoxes » comme les Karaïtes ou les Samaritains peuvent aller très loin, parfois avec des accusations fantaisistes (demi-musulmans, ennemis des Juifs…). Les membres des kibboutzim ont aussi été accusés (rav Chakh) de ne plus être Juifs. Le député Shass Shlomo Dayan a déclaré lors d'un débat à la Knesset le 13 décembre 1988 « la presse israélienne et la presse nazie se ressemblent sur plus d’un aspect. Quelles expressions utilisées par cette dernière apparaissent [dans la presse israélienne à propos des haredim] ? “Chantage”. N’est ce pas de cela qu’on accusait les Juifs dans la presse allemande ? “Sangsues”. Les nazis ne l’ont-ils pas dit des juifs ? Maintenant, c'est la presse israélienne qui l'écrit »[38].
L'opposition à l'homosexualité génère en Israël des violences croissantes, liées à la visibilité montante de la communauté homosexuelle. Ainsi, « les haredim s’attaquent à la Gay Pride internationale. En guise de protestation à la programmation de la parade le 10 août 2006 à Jérusalem, des centaines de lettres prônant « la mort des Sodomites » ont été distribuées dans des boîtes aux lettres de la ville mardi matin. Ces tracts promettent 20 000 Shekels « à quiconque cause la mort d’une personne de Sodome et Gomorrhe ». […] Tout en se dégageant de la moindre responsabilité dans cette affaire de tract, la communauté haredi a publié et distribué des tracts officiels [indiquant] « tous ceux qui en ont la possibilité ont l'obligation de faire tout ce qu’ils peuvent pour détruire les portes de l'enfer, quelle que soit la manière choisie »[39] ». En novembre 2006, les manifestations violentes haredim contre une parade homosexuelle à Jérusalem ont fait 860 000 dollars de dégâts[40]. En 2005, un homosexuel avait été poignardé par des haredim, en application d'un passage du lévitique qui punit de mort l'homosexualité[41]. Mais selon la loi juive, il n'y a qu'un tribunal religieux qui puisse appliquer cette peine ; or de nos jours, il n'y en a plus pour des raisons techniques.
Violence contre les haredim
Les haredim suscitent régulièrement des réactions hostiles, particulièrement en Israël, tant du fait de leur politique de contraintes religieuses que de leurs différences visibles. Ces réactions peuvent aller jusqu’à la violence verbale ou physique. Ainsi, le sculpteur israélien Yigal Tumarkin a écrit dans les années 1980 « en les voyant, on comprend la Shoah, on comprend pourquoi les Juifs sont haïs. Le primitivisme s’installe […]. Ces éléments de l’obscurité ne cessent de ronger le peuple. Devant ces hommes en noir qui pullulent comme de la vermine, le rêve sioniste meurt »[42].
En juin 1986, la synagogue de Kiryat Shalom, dans la banlieue de Tel-Aviv est incendiée lors de la « guerre des abribus ». Trois jours plus tard, après de nouvelles destructions d’abribus par des haredim, une seconde synagogue est incendiée, et des rouleaux de la Torah déchirés.
Ces cas extrêmes d’attaques de Juifs laïcs contre des haredim restent relativement isolés, mais sont révélateurs d’une tension que la presse israélienne a baptisée le Kulturkampf (la guerre des cultures), du nom d’une campagne anti-catholique lancée par Bismarck en Allemagne au XIXe siècle.
Sans être un monde particulièrement violent, le monde haredi est un monde persuadé d’avoir le monopole de la Vérité. Cette attitude amène donc des conflits internes et externes assez réguliers, surtout en Israël. En diaspora, on note peu de violences avec les non-Juifs[43], et même avec des Juifs non haredi.
La croissance démographique du monde haredi
Aujourd’hui, en Israël et en diaspora, les haredim sont en croissance démographique assez rapide. Il y avait chez les Juifs israéliens 3 % de haredim déclarés en 1990, 5 % en 1999[44], 6 % en 2002[1] et 8 % en 2004[1]. Toujours en 2004, il y avait 13 % de haredim chez les seuls Juifs israéliens nés en Israël[1]. Ils représentent 25 % des enfants juifs d'Israël en 2006, d'après le bureau central des statistiques.
D’un point de vue socio-économique, leur refus (relatif) de l’éducation moderne et leur volonté de privilégier l’étude talmudique sur un travail dans le secteur marchand (surtout s’il est immergé dans le monde des laïcs) les amènent à des niveaux de vie assez modestes. Cette situation est particulièrement forte en Israël, où les communautés sont fermes sur ces points[1].
Mais malgré cette situation socio-économique, les haredim sont une population d’un grand dynamisme démographique. Les femmes se marient jeunes et ont 5 à 10 enfants (27 % des haredim israéliens déclarent vivre dans un logement surpeuplé, contre 2 % des Juifs laïcs[1]). De plus, certains orthodoxes glissent vers les pratiques ultra-orthodoxes, et certains Juifs traditionalistes, voire laïcs font Techouva (repentance) en devenant haredim.
Cette croissance parfois explosive entraîne des tensions avec les voisins. En effet, l’objectif des haredim est d’avoir des quartiers homogènes et relativement clos. Quand les haredim s’implantent en nombre dans un nouveau quartier, et c’est un mouvement permanent, ils tendent à y imposer leurs règles. Ainsi, à Jérusalem, « depuis quelques mois [fin 2007], les membres d'une « patrouille de la pudeur » s'en prennent aussi aux femmes vêtues selon eux de façon « provocante », qui circulent dans les quartiers habités par les haredim (ultraorthodoxes) du nord de Jérusalem. La boutique de vêtements féminins Princesse, rue Méa Shéarim, reçoit régulièrement des visites de la patrouille. « Ils nous demandent de retirer de la vente des robes qu'ils jugent trop courtes, explique le patron. Si on veut faire affaires dans le quartier, il faut se plier aux règles : nos vêtements ne doivent rien laisser entrevoir de la peau, mis à part les mains et le visage »[25] ».
Pour éviter de trop nombreux conflits, les autorités israéliennes ont essayé de créer de nouveaux quartiers ou de nouvelles villes pour les haredim, évitant ainsi une trop forte pression sur les quartiers « laïcs ». À Jérusalem, de nombreux quartiers de colonisation de Jérusalem Est ont été créés à leurs bénéfices. Il a en été de même pour Bné Brak, seconde ville haredi d’Israël, dans la banlieue de Tel-Aviv, ou pour l’importante colonie israélienne de Modiin Illit. Les Haredim représentent aujourd'hui 25 % de la population des implantations dans les territoires.
Cette croissance démographique et géographique rapide est parfois perçue (surtout à Jérusalem, où les haredim représentent presque le tiers de la population juive[45]) comme une invasion par le voisinage. Régulièrement, le spectre d’une Jérusalem non sioniste (dominée par les Arabes[46] et les haredim) ressurgit. De fait, en 2003, c’est un haredi, le rabbin Uri Lupolianski, qui a été élu maire de Jérusalem. Père de 12 enfants, considéré comme un modéré, il a cependant tenté d’interdire la Gay Pride de Jérusalem, mais a été débouté par la justice.
Perception par les haredim des non haredim
Compte tenu de la fragmentation du monde haredi en multiples communautés, une présentation unique est impossible. On peut cependant définir quelques grandes lignes.
Non-Juifs : la tradition juive orthodoxe indique que chaque peuple définit par lui-même son rapport à Dieu, mais que les Juifs ont un rôle spécial dans les projets de Dieu. Il n’est donc pas question de chercher à convertir les non-Juifs (même si des conversions sont possibles à leur demande expresse). En définitive, les haredim sont assez indifférents à ce que pensent ou font les non-Juifs. Compte tenu des persécutions passées, on note une certaine méfiance, et parfois une volonté de ne « pas provoquer les nations (goyim) ».
Juifs laïques : « les haredim et les Juifs non religieux en Israël constituent aujourd’hui deux nations séparées. […] Cette situation ne pourra être changée que par la Techouva (repentance) de ceux qui se sont éloignés de la Torah. […] En présence de Juifs non religieux, nous sommes enclins à nous comporter comme s’ils n’étaient même pas là »[47]. L’idée est que le monde des Juifs laïques est dangereux et coupable, et qu’il faut s’en séparer par des quartiers réservés. Cependant, les hassidim de Loubavitch pratiquent un prosélytisme intense chez les Juifs laïcs, alors que les autres communautés s’en tiennent plutôt à l’écart.
Juifs conservateurs (massortim) ou réformés : ces courants, apparus au XIXe siècle et aujourd’hui surtout puissants aux États-Unis, remettent partiellement en cause la Halakha (loi religieuse juive orthodoxe). Les haredim les considèrent comme Juifs, quoique dangereusement éloignés de l’orthodoxie. Leurs rabbins ne sont pas reconnus, pas plus que leurs conversions. L’état d’Israël acceptant les conversions de ces rabbins si elles ont été effectuées hors d'Israël (mais ne les reconnaît pas si elles ont eu lieu en Israël), on a donc des Israéliens reconnus comme Juifs par Israël, mais pas par les ultra-orthodoxes (ni même par les religieux orthodoxes « modernes », d’ailleurs). Un des combats politiques récurrent des partis haredim israéliens et des haredim américains depuis les années 1980 est ainsi de faire modifier la loi du retour israélienne, pour en exclure ces convertis - très peu nombreux dans la pratique. L’État s’est toujours refusé à une telle réforme, véritable déclaration de guerre contre le judaïsme américain, dominé par ces courants.
Beta Israël (Juifs d’Éthiopie, ou Falasha) : Les haredim relevant du rav Yossef (Shass), l’ancien grand rabbin séfarade d’Israël qui les a reconnus comme Juifs en 1973, les acceptent sans problème. D’autres groupes haredim sont beaucoup plus réticents. Certains ne les acceptent comme pleinement Juifs qu’après une conversion accélérée par immersion dans un bain rituel (ce que les Beta Israël refusent en général). Les orthodoxes « modernes » les reconnaissent comme pleinement Juifs.
Samaritains et Karaïtes : ce sont des groupes très hétérodoxes (du point de vue haredi), mais reconnus comme Juifs par Israël[48]. Ils sont totalement rejetés, et les accusations les plus diverses, parfois très violentes, fleurissent contre eux : païens, crypto-musulmans, ennemis des Juifs.
Perceptions des haredim par les autres Juifs
Orthodoxes « modernes » : la légitimité des haredim est largement acceptée. On note, en particulier en Israël, une tendance à s’inspirer de leurs pratiques plus strictes. Leur refus du sionisme, de l’armée (Tsahal), du travail productif, sont cependant considérés comme excessifs. Mais ils sont aussi considérés comme les gardiens de la tradition.
Traditionalistes (Juifs avec pratique religieuse partielle) : les haredim sont perçus d’une façon assez proche de la perception orthodoxe, avec en général plus de réserves. On note cependant que beaucoup de traditionalistes séfarades votent aujourd’hui Shass, le parti séfarade haredi.
Laïcs : Les haredim sont plus mal perçus. D’un côté, ils représentent une tradition à laquelle beaucoup de Juifs, même non pratiquants, restent attachés. Mais d’un autre côté, leur croissance démographique fait peur. Leur volonté de renforcer la coercition religieuse (en Israël au moins) est rejetée. Leur refus de faire leur service militaire est considéré comme un danger pour Israël. Leur assez large refus du travail, et leur demande de fonds étatiques (toujours en Israël) pour compenser ce refus, sont souvent très mal perçus. On lit parfois des mots comme « parasitisme[49] » ou « racket » dans la presse. Le parti Shinouï a ainsi basé son succès électoral de 2003 (15 sièges) sur une forte dénonciation des lois religieuses contraignantes et des aides financières aux haredim.
Synthèse
Aujourd’hui, les haredim sont un groupe en expansion au sein du judaïsme mondial. Les raisons en sont leur natalité très forte (sauf cas médicaux, toutes les familles sont très nombreuses) et leur capacité à attirer certains orthodoxes, voire laïcs.
Leur isolationnisme est relatif (selon les groupes), mais réel. Ils sont une des communautés religieuses les plus particularistes existant aujourd’hui, et leurs relations avec les autres Juifs (du moins les laïcs) sont parfois difficiles.
Voir aussi
Articles connexes
- Judaïsme orthodoxe
- Hassidisme
- Edah Haredit
- Neturei Karta
- Judaïsme réformé
- Histoire du sionisme
- Sionisme
- Sanhédriah
- Trois serments
Bibliographie[modifier
- Ilan Greilsammer, Israël, les hommes en noir, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 01/1991, (ISBN 2724605926)
- Doris Bensimon, Religion et État en Israël, L’Harmattan, 1992, (ISBN 2738415555)
- Shalom Cohen, Dieu est un baril de poudre, Calman-Levy, 1989, réédition le 01/01/1994, (ISBN 2702118267)
- Gershon Weiler, La tentation théocratique, Calman-Levy, avril 1991, (ISBN 2702119867)
- Josette Alia, Etoile bleue, chapeaux noirs : Israël aujourd’hui, Grasset, 19 mai 1999, (ISBN 2246569710)
- Yakov Rabkin, Au nom de la Torah - Une histoire de l’opposition juive au sionisme, Presses De L’universite Laval, mai 2004, (ISBN 2763780245)
- Samia Chouchane, « Servir Dieu ou la nation? Les communautés religieuses d'Israël et la question du service militaire », in Servir. Engagement, dévouement, asservissement : les ambigüités du lien social, sous la direction de Frédéric Mollé, Paris, L'harmattan, Logiques Sociales, 2011, [1].
- Simeon Baumel, Sacred Speakers: Language And Culture Among The Haredim In Israel, Berghahn Books, 30 décembre 2005, (ISBN 1845450620)
Articles
- Israël : la tentation ultra-orthodoxe, revue L’Histoire, no 224, p. 50-53, septembre 1998, par Jean-Christophe Attias
Liens externes
- (fr) La revanche d'une identité ethno-religieuse en Israël: la percée du parti Shas entre construction identitaire Sefarade-Haredi et dynamiques clientelistes.. Thèse de doctorat de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux IV, au format PDF.
- (fr) Attention : un front peut en cacher un autre ! par Christopher Dembik - Sciences-Po Paris
- (en) Dei’ah veDibur, journal haredi en ligne
- (en) Le site des Neturei Karta, groupe haredi antisioniste.
- (en) Le site en anglais du mouvement Loubavitch mondial.
- (fr) Le site en français du mouvement Loubavitch mondial.
- (fr) Le site en français d'une institution Haredi.
Notes et références
-
↑ a, b, c, d, e, f et g Selon un sondage réalisé en décembre 2003 et janvier 2004, auprès de 7 616 Israéliens de plus de 20 ans, 8 % de la population juive israélienne serait haredi, 9 % orthodoxe « moderne », 39 % traditionaliste et 44 % laïc. Ces chiffres seraient de 13 % de haredim et de 52 % de laïcs chez les juifs israéliens nés en Israël et non à l’étranger. Les religieux libéraux et massortim ne sont guère nombreux en Israël et ne sont pas pris en compte dans cette étude.
Selon une tendance marquée depuis des décennies, le nombre des orthodoxes « modernes » et des traditionalistes diminue, tandis que celui des haredim et des laïcs augmente. L'article du Jerusalem Post présentant l'étude de 2004 cite une étude de 2002 : 6 % de haredim et 42 % de laïcs cette année-là. Cette polarisation croissante fait craindre à beaucoup d’observateurs une division de plus en plus forte avec le temps de la société juive israélienne.
Le niveau de vie des haredim est plus faible : 29 % des haredim déclarent que leur famille à une voiture, contre 73 % des laïcs. 27 % des haredim déclarent vivre dans des logements surpeuplés, contre 2 % des laïcs.
Sondage rapporté par le Jerusalem Post du 10 avril 2006. - ↑ Israël, les hommes en noir, 1991, p. 187.
- ↑ Religion et État en Israël, p. 68.
- ↑ Israël, les hommes en noir, 1991, p. 189.
- ↑ Site de la yechivah de Brunoy [archive]
- ↑ Site officiel de Kiryas Joel [archive] (en)
- ↑ Voir la formation d'une pensée sioniste religieuse dans la seconde moitié du XIXe siècle, sous l'influence de religieux comme le rav Tzvi Hirsh Kalisher.
- ↑ Question 14.6: I've heard there were/are very Orthodox Jews who were/are against the state of Israel. How could this be? Who are [archive]
- ↑ Israël, les hommes en noir, 1991, Page 33.
- ↑ Israël, les hommes en noir, 1991, Page 32.
- ↑ a, b et c Consternation surrounds Shas joining Zionist group [archive], article de HAVIV RETTIG GUR, Jerusalem Post du 28 mai 2010.
- ↑ Les haredim considèrent qu’il est interdit d’écrire tel quel le nom de Dieu, et le déforment donc en Di-u.
- ↑ Selon le programme en français [archive] sur le site [archive] des Neturei Karta
- ↑ Yated Neeman, journal haredi israélien, 13 septembre 2006
- ↑ Rabbin I. Peretz, dirigeant du parti Shass, au cours de la campagne électorale de 1988 — cité par Ilan Greilsammer dans Israël, les hommes en noirs.
- ↑ La Croix, 5 septembre 2006.
- ↑ Israël, les hommes en noir, p. 132.
- ↑ Israël, les hommes en noir, p. 140.
- ↑ Bitoul Torah est le temps consacré à quelque chose de futile, qui aurait dû être consacré à l’étude de la Torah
- ↑ a, b, c, d et e « 70% of ultra-Orthodox men, 50% of women do not participate in workforce [archive] », Haim Bior, Haaretz, 11 novembre 2007.
- ↑ « Les étudiants à long terme dans les yeshivas qui sont doués et ont des moyens économiques sont chanceux, mais les étudiants qui, après une année, voient que leurs études ne vont pas bien, en raison de leurs qualifications ou de leur situation économique, doivent apprendre une profession pour gagner leur vie. Je ne parle pas de devenir riche mais de gagner sa vie, de sorte qu’on ne tombe pas dans l’endettement… On peut se préparer à ceci dans la yeshiva et consacrer quelques heures par semaine en soirée à l’étude d’une profession (Long-term students in yeshivas who are talented and have the economic means are fortunate, but students who after a year see their studies are not going well, whether because of their skills or their economic situation, must learn a profession that earns a living. I’m not talking about getting rich but earning a living, so that one does not fall into debt… One can prepare for this in the yeshiva and devote a few hours a week in the evening to studying a profession) » Yair Ettinger, Tough times push men out of yeshiva and into work, Haaretz, 23 décembre 2005.
- ↑ Dieu est un baril de poudre, p. 91
- ↑ Choulkhan Aroukh, traité Even Ezer sur les lois conjugales, chapitre 20, alinéa 1 : « Si un homme s'approche d'une femme dont la relation sexuelle lui est interdite, que ce soit par les membres, par une accolade ou par un baiser, et qu'il en ressente un certain plaisir (quel qu'il soit), alors il sera condamné à la flagellation… ».
- ↑ Choulkhan Aroukh, traité Even Ezer sur les lois conjugales, chapitre 22, alinéa 1: « Il est interdit de s'isoler avec une femme dont la relation sexuelle est prohibée, qu'elle soit âgée ou jeune fille, car le fait de s'isoler provoque des débordements. Sauf pour les proches parents ». Alinéa 2 : « Si un homme s'isole avec une femme dont l'isolement lui est interdit, qu'elle soit juive ou non juive, le tribunal les condamnera tous les deux à la flagellation ».
- ↑ a et b « La révolte des juives orthodoxes en Israël [archive] », PATRICK SAINT-PAUL, 14/10/2007, Le figaro.fr [archive]
- ↑ Israël, les hommes en noir, p. 133.
- ↑ « Kiryas Joel is the Poorest Place in the Country », CrownHeights.Info, 31/01/2009 [archive].
- ↑ Tomy Lapid était à l'apoque le dirigeant du Shinouï, un parti vivement opposé aux haredim.
- ↑ Editorial du Yated Neeman, journal haredi fondé par le rav Shach, du 16 Téveth 2006
- ↑ LA REVANCHE D’UNE IDENTITE ETHNO-RELIGIEUSE EN ISRAËL : LA PERCEE DU PARTI SHAS ENTRE CONSTRUCTION IDENTITAIRE SEFARADE-HAREDI ET DYNAMIQUES CLIENTELISTES [archive], p. 233. Thèse de doctorat de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux IV, au format PDF.
- ↑ Israël, les hommes en noir, p. 134
- ↑ LA REVANCHE D’UNE IDENTITE ETHNO-RELIGIEUSE EN ISRAËL : LA PERCEE DU PARTI SHAS ENTRE CONSTRUCTION IDENTITAIRE SEFARADE-HAREDI ET DYNAMIQUES CLIENTELISTES [archive], p. 232. Thèse de doctorat de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux IV, au format PDF.
- ↑ Manifestation de plus de cent mille juifs religieux [archive]
- ↑ Israël, les hommes en noir, p. 140
- ↑ a, b et c « U.S. immigrant beaten up in 'pogrom' by ultra-Orthodox gang », par Daphna Berman, Haaretz, 21/01/2008.
- ↑ a et b Ultra-Orthodox 'Modesty Guard' suspected of beating Jerusalem woman [archive], Haaretz, dimanche 10 août 2008.
- ↑ Haredim attack man carrying Israeli flag [archive], 9 mai 2008, ETGAR LEFKOVITS, Jerusalem Post.
- ↑ Cité par Dieu est un baril de poudre, p. 122
- ↑ Tract haredi anti homosexuels, cité par le journal Yediot Aharonot du 11 juillet 2006
- ↑ « Police readying for Gay Pride parade as protests continue », par Jonathan Lis, Haaretz du 8 novembre 2006
- ↑ « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux », Lévitique 20, verset 13.
- ↑ Cité lors des débats parlementaires de la Knesset, 13 décembre 1988, rapporté par Shalom Cohen dans Dieu est un baril de poudre, p. 117-1188
- ↑ Il y a des exceptions : le Jerusalem Post, dans son éditons du vendredi 7 avril 2006, rapporte que plusieurs centaines de haredim de Brooklyn se sont rassemblé autour d’un poste de police, et on brulé une voiture de police (l’article parle aussi « d’émeutes ») pour protester contre l’arrestation de l’un des leurs, une personne âgée, qui téléphonait en conduisant
- ↑ Chapitre Religious self-definition, dans A portait of Israel Jewry [archive], une étude du centre Guttman du Israel Democracy Institute, réalisée pour The AVI CHAI Foundation en 2000. Page 6.
- ↑ Les haredim étaient 30 % de la population juive de Jérusalem en 1998 selon une étude du professeur Sergio DellaPergola, de l'Université hébraïque de Jérusalem, citée par Elli Wohlgelernter, « Haredi population in Jerusalem not likely to take over », Jerusalem Post du 23 janvier 1998. Article [archive] reproduit sur le site du Jewih News Weekly of northern California [archive].
- ↑ En 2005, les Arabes représentent 34 % de la population de Jérusalem, et les juifs 66 % selon une étude du Jerusalem Institute for Israel Studies citée par le journal Haaretz du 15 septembre 2006.
- ↑ Citations du journal haredi Yated Neeman du 2 février 1990, rapportée par Ilan Greilsammer.
- ↑ Les Samaritains portent sur leur carte d'identité les mentions « Juif » ou « Juif samaritain ». Voir Stephen Kaufman, Samaritan Political Identity [archive], thèse de l'université de Tel Aviv, 1998.
- ↑ Le Jerusalem Post du 31 juillet 2007 parle ainsi de « citoyens destinés à une vie de pauvreté et de dépendance totale à l'égard des aides sociales [… et de] fardeaux parasitiques », ISI LEIBLER, The looming haredi disaster [archive], Jerusalem Post, 31 juillet 2007.
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Cacherout
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Cacherout |
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Sources halakhiques |
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Textes dans la Loi juive relatifs à cet article |
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Genèse 1:29 ; 7:2-8 ; 9:2-4 ; 32:25-33 |
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traités Avoda Zara, Houllin, Menahot, Pessa'him & Zevahim |
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Sefer Kedousha, Hilkhot ma'akhalot assourot & hilkhot shehita |
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Yore Dea chap. 1 à 202 |
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More Nevoukhim, 2e partie, chapitre 47… |
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La cacheroute ou kashrout (en hébreu : כשרות המטבח והמאכלים kashrout hamitba'h véhamaakhalim, « convenance de la cuisine et des aliments ») est le code alimentaire prescrit aux enfants d'Israël dans la Bible hébraïque. Elle constitue l'un des principaux fondements de la Loi, de la pensée et de la culture juive.
Elle regroupe d'une part l'ensemble des critères désignant un aliment (animal ou végétal) comme permis ou non à la consommation, et d'autre part l'ensemble des lois permettant de les préparer ou de les rendre propres à la consommation. Les aliments en conformité avec ces lois sont dits kascher, « aptes » ou « convenables » à la consommation.
Sommaire
- 1 La cacheroute dans les sources juives
- 2 Étymologie et terminologie
- 3 Principes de la cacheroute
- 3.1 Les espèces animales licites et illicites
- 3.2 Régulations liées à la viande et la volaille
- 3.3 Interdiction des mélanges
- 3.4 Régulations liées aux végétaux
- 3.5 Régulations liées aux jours saints
- 3.6 Aliments nécessitant d'être préparés par des juifs
- 4.1 Cacheroute, végétarisme et végétalisme
- 4.2 Attestations pour lieux de restauration
- 5.1 Chez les Juifs
- 5.2 Évolution des pratiques chez les chrétiens
- 5.3 Pratiques dans les autres religions admettant la Torah
- 6.1 Abattage et respect des animaux
- 7.1 Une tradition religieuse inexpliquée
- 7.2 Un rituel symbolique
- 7.3 Une pratique d'hygiène
- 7.4 Une mesure de sanctification morale
- 7.5 Une mesure de sanctification ethnique
- 7.6 Une sauvegarde socio-économique
- 4 Attestation et label de cacherouth
- 9.1 Orthographe et transcription des termes
- 9.2 Articles connexes
- 9.3 Liens externes
- 9.4 Bibliographie
- 5 Observance de la cacherouth
- 6 Cacheroute et société
- 7 Tentatives d'explication de la cacheroute
- 8 Notes et références
- 9 Annexes
La cacheroute dans les sources juives
Dans la Bible hébraïque
Étymologie et terminologie
Le terme kascher apparaît une seule fois dans la Bible hébraïque, et est rendu en français par « convenable[1] ». C'est également ce sens de « convenable » et « valable » qu'il a dans la Mishna[2]. C'est pourquoi le terme kascher peut être utilisé dans au moins trois cas.
Dans le premier, le mot a une signification laïque similaire au mot « convenable » en français. C'est ainsi pour souligner la valeur de Darius Ier, qui assista les Judéens dans la reconstruction du Temple, souverain que le Talmud qualifie de « roi kascher[3] ». C'est aussi ce sens qu'il possède dans de nombreuses expressions « figurées » actuelles[4].
Dans un contexte religieux non alimentaire, le terme « kascher » est conventionnellement employé pour signifier « propre au rituel[5] », et son antonyme est alors « passoul[6] » (disqualifié). Il s'applique à un verre de vin, un rouleau de la Torah, une mezouza, et tout autre objet ayant pour fonction de permettre la réalisation du rituel.
Enfin, le sens le plus connu est celui lié à l'alimentation, sens d'ailleurs proche du précédent. Le repas juif a en effet pour fonction de reproduire le rituel des korbanot qui se tenaient dans le Temple de Jérusalem, et les ustensiles et récipients de cuisine, ainsi que les aliments[7] doivent être « acceptables » pour réaliser cet acte de sainteté. Le Lévitique, décrivant le rituel ainsi que les aliments acceptables, définit les aliments selon deux catégories : tahor (pur) et tamè (impur). L'antonyme de kascher est dans ce cas soit tamè (impur), désignant un aliment qui ne peut en aucun cas servir au rituel du repas (le porc, par exemple), soit tarèf (littéralement, « déchiré »), c'est-à-dire potentiellement acceptable pour la consommation mais rendu impropre par suite d'une mauvaise application du rituel.
Principes de la cacheroute
Les lois de la kashrout dérivent de divers passages de la Torah. Elles sont nombreuses et variées, et toutes ne sont pas universellement observées. Certaines ne le sont que par certains courants, d'autres dépendent du rite d'origine. Cependant, on peut en dégager les règles principales :
-
Pour les aliments d'origine animale :
- ils doivent présenter des signes particuliers et, dans le cas de mammifères et de volailles, provenir d'espèces particulières ;
- ils doivent être abattus de manière rituelle ; les parties interdites à la consommation, dont le sang, le nerf sciatique et la graisse, doivent être retirées ;
- « l'agneau ne peut être cuit dans le lait de la mère » ;
- seul le lait des espèces licites peut être consommé[8].
- Pour les aliments d'origine végétale :
- ils doivent être vérifiés afin de s'assurer de l'absence de parasites visibles à l'œil nu ;
- certains délais doivent être observés et, dans le cas du produit de la récolte en terre d'Israël, les dîmes doivent être prélevées.
- Des lois supplémentaires s'appliquent lors de jours saints spécifiques, et uniquement lors de ces jours.
- Certains aliments doivent être préparés en grande partie ou en exclusivité par des enfants d'Israël.
- Les plats non kascher transmettent leur impureté aux ustensiles utilisés pour leur préparation, et ne peuvent servir pour les nourritures kascher auxquelles elles transmettraient à leur tour leur impureté. Certains ustensiles, selon les matériaux dont ils sont faits, peuvent être purifiés par application d'une flamme à une telle température que des étincelles jaillissent de l'objet si on le frotte (libboun), ou par immersion dans de l'eau bouillante (hagala).
- Nul Juif n'est censé ignorer les lois de la kashrout pour son usage personnel. Toutefois, la surveillance et la supervision de la chaîne de production de nourritures destinées à autrui, par exemple pour la vente ou la restauration, doit être confiée à un expert en cacheroute.
Les espèces animales licites et illicites
La Bible divise les animaux en trois règnes : ceux qui vivent sur terre, ceux qui volent et ceux qui vivent dans l'eau. Le règne terrestre est subdivisé en animaux sauvages, domestiques et rampants.
La première mention d'« animaux purs et animaux qui ne sont pas purs » se trouve dans la parashat Noa'h. Cependant, la distinction n'est décrite que dans Lévitique 11 et Deutéronome 14.
Pour les animaux vivant sur terre, sont purs les animaux à sabots fendus ruminant leur nourriture, dont le bœuf, le veau, le mouton, l'agneau ou la chèvre et impurs les animaux dont le sabot n'est pas fendu comme le chameau, l'âne ou le cheval, ou ne ruminant pas leur nourriture comme le lapin ou le porc[9].
Pour les animaux qui volent, ce qui inclut les chiroptères, la Bible donne une liste d'oiseaux interdits, notamment les rapaces. Les tourterelles et jeunes pigeons sont purs, étant les seuls oiseaux admis pour une offrande. Les volailles de basse-cour (poulet, canard, oie, dinde, pintade) sont toutes potentiellement pures. Toutefois, la pureté d'un animal doit être certifiée par tradition avant qu'un de ces animaux soit consommé[10]. En pratique, la liste des oiseaux purs et impurs est établie à partir des gloses de Rachi[11]. La Torah mentionne certains types de sauterelles comme permises à la consommation. Cependant, à l'exception de communautés dont les sauterelles constituent l'une des principales sources de nourriture, leur consommation est interdite en raison du doute quant à l'identification des espèces d'insectes permises[12]. Elle a été interdite dans la communauté de Djerba en Tunisie au XVIIIe siècle par décision du rabbin Aron Perez[13].
Pour les animaux aquatiques, sont purs ceux qui ont des écailles et des nageoires[14], ce qui inclut des poissons tels que le saumon, la morue, le hareng, la sardine, le merlan, la dorade, le bar, la sole, le thon, la carpe, etc. L'esturgeon, qui perd ses écailles lors de l'accouplement, n'est pas kasher, ni la lotte, la raie, l'anguille ainsi que tous les fruits de mer (crevette, langouste, homard, huître, moules, etc.)[15]. Les poissons autorisés sont réunis dans cette liste des poissons cachers.
Outre l'appartenance à une espèce pure, chaque animal doit, selon la Bible, être exempt d'impureté individuelle, c'est-à-dire ne souffrir d'aucune infirmité, parmi lesquelles l'écrasement des testicules[16] afin d'être offert devant Dieu. Cependant, et bien qu'il soit interdit à un Juif de châtrer un animal, raison pour laquelle on ne trouve en principe pas de bœuf, de chapon, etc. en Israël, il est licite d'abattre et consommer la chair d'un animal préalablement castré par un Gentil[17].
Régulations liées à la viande et la volaille
Shehita.
Abattage rituel
L'abattage rituel (shehita), auquel la Torah fait allusion de façon implicite mais non explicite[18] a principalement pour but de vider la bête de son sang. La shehita consiste entre autres à trancher la veine jugulaire, l'artère carotide, l'œsophage et la trachée d'un seul geste continu au moyen d'un couteau effilé ne présentant aucune encoche. La défaillance d'un seul de ces critères rend la viande impropre.
La carcasse doit en outre être vérifiée après l'abattage, afin de s'assurer que l'animal n'était pas atteint d'un défaut qui aurait entraîné sa mort naturelle au cours de l'année, et rendrait sa mort par abattage douteuse, et donc impropre[19]. L'une des lésions les plus invalidantes selon le Beth Yossef est la présence d'adhérences pulmonaires ; alors que les juifs séfarades considèrent l'animal consommable si le poumon demeure étanche après résection de la lésion, les juifs ashkénazes n'acceptent qu'une bête dont le poumon est lisse (yiddish גלאט glatt). Le terme glatt[20] est cependant actuellement employé pour définir des critères de cacheroute plus rigoureux qu'à l'ordinaire, et ne s'appliquent pas seulement à l'aspect des poumons.
Les parties interdites à la consommation, parmi lesquelles le sang, le suif[21] et le nerf sciatique[22], doivent ensuite être retirées.
L'interdiction de la consommation du sang[23] apparaît dès les premiers récits bibliques[24], preuve de l'antiquité dont les Hébreux créditaient cet usage. Par ailleurs, ils recouvraient le sang de leurs victimes[25], selon la croyance que « la vie de la chair est dans le sang[26]. » La chair des animaux terrestres et des volatiles est donc à consommer exsangue[27], et toute offrande doit être offerte avec du sel[28], afin de poursuivre cette extraction.
Cet interdit est si marqué que le terme taref (déchiré[29]), désignant au sens strict une bête abattue improprement (c'est le cas non seulement des abattages n'ayant pas été réalisés selon la shehita mais aussi de bêtes abattues selon le rite, mais avec un couteau présentant un défaut) ou blessée par un chasseur avant d'être consommée, en est venu à servir d'antonyme à kascher[30]. Toutefois, le terme exact est tamè (impur), seules les bêtes pures pouvant être consommées. Par ailleurs, lorsqu'un chasseur capture un animal pur, vivant, sain et sans blessure, celui-ci peut être consommé à condition d'être abattu selon le rite. Cependant, le Talmud décourage la chasse, particulièrement à titre de loisir, car elle est cruelle envers les animaux[31].
La Torah prescrit, peu après ces règles, la centralisation des abattages dans le sanctuaire (le Tabernacle lors de la traversée du désert, les Temples de Jérusalem tant que ceux-ci demeureront) : tout animal dont on voudrait consommer la chair doit être approché des cohanim (fils d'Aaron), qui prélèvera les parties interdites à la consommation, ainsi que les parties revenant de droit aux cohanim par statut. L'abattage lui-même pourra toutefois être effectué par une personne qui ne fait partie de la tribu des prêtres. La viande sera permise à la consommation au cours de la journée et de la soirée de l'abattage, après quoi ses restes devront être brûlés sur l'autel.
Après la destruction du second Temple, l'abattage est confié à des individus spécialisés dans l'acte, les shohetim. La bonne tenue du rite est, pour plus de sûreté, supervisée par un mashguiah qui vérifie également la conformité des autres « matières premières, » avant de délivrer une attestation de cacheroute pour la vente de produits alimentaires en commerce ou dans la restauration.
Le nikkour (extraction des parties interdites) et conséquence sur le goût des viandes
Boucherie cachère en France.
Du fait de la proscription portant sur la consommation des parties interdites dont le tendon inguinal, c'est-à-dire le nerf sciatique[22], il est nécessaire de pratiquer le nikkour (ou treibering en yiddish), prélèvement du tendon inguinal, du suif et des gros vaisseaux environnants. Cette opération, pratiquée quasi universellement jusqu'au XIXe siècle, étant délicate et peu rentable, la viande possédant un aspect « déplaisant » à la suite de celle-ci, les autorités rabbiniques européennes[32], ainsi que le grand-rabbin de New York, ont jugé préférable de déclarer les parties arrières des animaux impropres à la consommation, et les bouchers les remettent dans le circuit de distribution des viandes non kascher. Ces parties, qui s'étendent jusqu’à la huitième côte pour les bovins, et incluent les rumstecks, filets, faux-filets, bavettes, onglets, entrecôtes et côtes, sont les morceaux de première catégorie, les plus tendres de l'animal[33]. Les pièces improprement appelées « entrecôtes », que l'on peut trouver sur l'étal de certaines boucheries kascher en France, sont en fait des basses côtes de la partie avant du bœuf, donc des morceaux de deuxième catégorie, beaucoup moins tendres. C'est pour cette raison qu'à appellation identique, la viande bovine kascher apparaît beaucoup moins tendre que les autres[34].
Cette règle ne repose sur aucun interdit religieux à proprement parler (ce qui serait le cas si les pièces suscitées étaient inconsommables, que les parties soient retirées ou non), et sa justification est uniquement financière[35]. Le nikkour n'est réalisé de nos jours qu'en Israël[36], du fait de l'absence de demande pour de la viande non purgée. Cependant, le rabbin Moshe Feinstein ayant déclaré que l'oubli d'une prescription de la Torah constitue une faute grave, un séminaire a été tenu aux États-Unis en 2007 en vue de réintroduire la pratique[37].
Accommodage : la cachérisation
Une pièce de viande ou de volaille[38], même issue d'un animal abattu rituellement, comporte encore du sang, et doit en être débarrassée avant d'être cuisinée[39]. Ce processus doit être réalisé dans les trois jours suivant l'abattage, sans quoi le sang se fige. Il s'effectue en trois étapes :
- lors de la cheriyya (« lavage »), la viande est plongée dans un récipient rempli d'eau et trempée sur toute sa surface pendant une demi-heure, afin de la ramollir de sorte qu'elle puisse absorber du sel. Les liquides sont ensuite drainés en déposant la viande sur une planche rainurée inclinée ;
- la meli'ha (« salaison ») consiste à saler de tous les côtés la viande avec du sel (de préférence du « sel de cachérisation ») et à la laisser sur la planche pendant une heure ;
- lors de la hada'ha (« rinçage »), la viande est rincée deux fois ; cette procédure est inutile si la viande est grillée sur feu nu ; dans le cas des organes riches en sang, comme le foie, c'est d'ailleurs le seul moyen de cachérisation[40].
La présence de traces infimes de sang après ces procédés est admise.
Du fait de cette extraction méthodique du sang, il est interdit de bouillir une volaille afin de la plumer, car le sang se coagule. De même, il est interdit de congeler une pièce avant de la cachériser, à moins qu'elle ne soit destinée à être grillée, car au cours de la congélation, le sang se fige.
Interdiction des mélanges
Service kasher pour les plats carnés, Jüdisches Museum (Berlin)- XVIIIe et début du XXe siècle.
Service kasher pour les plats lactés, Jüdisches Museum (Berlin)- XIXe siècle.
« Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère. »
Cette ordonnance, brièvement évoquée à trois reprises dans la Bible[41], est l'une des plus suivies par les Juifs, y compris par ceux qui ne respectent pas strictement les autres règles.
Si les karaïtes, exégètes strictement scripturalistes de la Bible, se contentent de vérifier que le lait ne provient pas de la mère de la bête, et autorisent les autres mélanges, à condition que la bête soit abattue dans les rites, les Sages rabbiniques y voient une interdiction de tout mélange lacté/carné, même s'ils ne sont pas cuits ensemble, car la Torah, si elle n'avait voulu limiter ces mélanges qu'au chevreau, aurait dit guedi izzim et non simplement guedi ; l'interdiction a aussi été étendue à la volaille, de crainte qu'un païen ou un Juif ignorant, voyant un Juif instruit consommer de la volaille à la crème, ne vienne à penser qu'il consomme un mélange lacté/carné[42] ; il est même interdit de tirer profit de ces mélanges, en les cuisinant pour un client non juif[43].
Certains interdisent également le lait et le poisson ; il ne s'agit cependant pas d'un article de loi, mais d'une coutume non universellement suivie[44].
De cette interdiction a été déduit un corpus de règles des mélanges interdits, interdisant de cuisiner ou de consommer des produits carnés (viande et dérivés) avec des produits lactés (lait et dérivés). Ainsi :
- Les Juifs doivent attendre au moins le temps entre deux repas pour consommer du lait après avoir mangé de la viande, un peu moins si un plat carné doit être consommé après un plat lacté, et seulement après s'être lavé les mains[45], afin de ne pas mélanger les deux produits dans l'estomac.
-
Les mets sont classifiés en trois catégories :
- lacté (halavi) ;
- carné (bassari) s'étendant à la volaille, mais pas aux poissons ;
- neutre (pareve ou parve), comprenant les œufs, poissons, fruits et légumes, etc., ainsi que des produits devenus inertes par suite du traitement nécessaire à leur obtention, comme les gélatines, extraites d'os animaux (ces animaux doivent tout de même être kascher pour que la gélatine le soit).
- Cette classification s'applique non seulement aux produits de base mais aussi à leurs dérivés : une pomme de terre frite dans une graisse animale devient « carnée ».
-
Selon le principe de noten ta'am (conserve le goût), l'on estime que certains plats et récipients qui ont contenu des plats lactés ne peuvent plus servir pour des plats carnés et réciproquement. La nature de ces récipients est parfois sujette à discussion : si tous s'accordent sur le caractère « conservateur » de la porcelaine ou de l'argile, les ashkénazes considèrent le verre comme conservateur (et ne pouvant être cachérisé par hagala), contrairement aux sépharades. Quoi qu'il en soit, les juifs pratiquants utilisent deux batteries de cuisine et deux vaisselles distinctes pour ne pas effectuer de mélanges interdits.
En outre, du fait du principe ta'am kèïkkar (le goût [est considéré] comme l'essence [de l'aliment]), un plat kascher perd son statut lorsque, mélangé par erreur à un plat taref, il en conserve le goût après que l'aliment impur a été retiré. Il en est de même pour des plats lactés et carnés. Cependant, et dans les deux cas, si la proportion de l'aliment non-désiré est inférieure à 1/60e du volume de nourriture total, le plat demeure kasher (batel bèshishim, annulé par 60[46]). Ce principe d'exception connaît lui-même des exceptions, certains aliments, comme le hametz, ne pouvant être annulés quand bien même la proportion serait de 1 pour 1 000.
Régulations liées aux végétaux
Les prescriptions et restrictions sur les aliments d'origine végétale sont moins nombreuses que celles sur les produits animaux. Néanmoins, une diète végétarienne n'offre pas une entière garantie de cacheroute. Les plats végétaux pourraient en effet avoir été préparés avec des ustensiles ou servis dans des vaisselles impropres, et des ingrédients non-kascher pourraient y avoir été ajoutés. De plus, certains produits purement végétaux comme le pain ou le vin[47] sont soumis à des règles de kashrout.
Les végétaux, en particulier des légumes à feuille dont la laitue, les choux, le persil, etc. doivent être inspectés avant toute utilisation, afin de s'assurer de l'absence d'insectes et d'autres parasites visibles à l'œil nu, qui les rendraient impurs. L'ingestion de ces parasites va à l'encontre d'entre trois et six prescriptions bibliques[48], ce qui dépasse en gravité la consommation de porc. La procédure appropriée d'inspection et de nettoyage varie en fonction du végétal et du rabbin responsable de l'inspection[49].
Pour les produits de la terre d'Israël, diverses dîmes prescrites par la Bible doivent être prélevées. En l'absence du Temple de Jérusalem, une version modifiée des dîmes, dont la teroumat hamaasser, le maasser rishon, le maasser sheni et le maasser ani, inapplicables telles quelles, est retirée du produit total de la récolte. Le produit d'une récolte non prélevée est appelé tevel, et est interdit à la consommation. Des précautions supplémentaires doivent être prises avec le sheviit, la récolte de la terre d'Israël lors de chaque septième année, afin de ne pas enfreindre les lois de l'année sabattique.
Les fruits d'un arbre planté ou replanté ne peuvent être consommés ni utilisés pendant trois ans, en vertu de l’issour orlah[50]. Certains évitent également de consommer des céréales la première année de la récolte (hadash).
De nombreux restaurants et producteurs de produits végétariens acquièrent un hekhsher, certifiant que la cacheroute de leurs produits a été attestée par une organisation rabbinique, que les végétaux suspects d'infestation ont été examinés et que les démarches ont été entreprises pour que toute nourriture cuite remplisse les exigences du bishoul Israël.
Régulations liées aux jours saints
Alphonse Lévy, cuisine de pessah, 1900.
De façon générale, sauf cas d'urgence vitale absolue, les plats ne peuvent être cuisinés le Sabbath, car l'on enfreindrait divers interdits[51] dont celui de faire du feu. Les rabbins autorisent les diverses formes de hamin, plats ayant mijoté au cours du sabbath, car le feu a été allumé avant la tombée du soleil au vendredi soir. De même, certains plats, comme la carpe farcie, ont été élaborés afin de ne pas transgresser l'interdit de séparer le grain de l'ivraie, c'est-à-dire la chair du poisson de ses arêtes.
La période de Pessa'h, débutant avec la Pâque et durant une semaine, se caractérise par une restriction supplémentaire sur les aliments levés ou fermentés, collectivement appelés hametz[52]. Celui-ci doit être recherché méthodiquement et brûlé et nul Juif ne peut en posséder ; la cuisine kascher lèPessa'h se prépare donc exclusivement ou presque à base d'azymes (matzot). Plus récemment, des produits de substitution non hametz ont été mis sur le marché, en utilisant par exemple du glucose extrait de pommes de terre.
La fermentation étant considérée comme l'une des formes d'impureté les plus absolues, les préparatifs à la fête doivent comporter une cachérisation des récipients et ustensiles habituellement utilisés[53] ; traditionnellement, les Juifs pratiquants possèdent deux services (carné et lacté) réservés à ces sept jours (huit en Diaspora) en sus des services habituels[54].
Si l'interdiction ne touche à l'origine que cinq espèces de grain[55], de nombreuses variations sont apparues du fait de la dispersion des Juifs de par le monde, au sein des grandes divisions juives, séfarades, ashkénazes et mizrahim, chacune s'appuyant sur les opinions de leurs décisionnaires : c'est pourquoi les ashkénazes s'abstiennent de la consommation de légumineuses (kitniyot) pendant la période de la Pâque, alors que les autres ne suivent pas ce minhag ; de plus, chaque pays avait son propre interprète, et les restrictions alimentaires lors de la semaine pascale ne sont pas exactement les mêmes parmi les Juifs du Maroc, d'Algérie ou de Tunisie ; de même, certains sous-groupes ashkénazes interdisent le gebrochts (azyme trempé), tandis que d'autres se sont fait une spécialité du Matze brei, nécessitant de tremper l'azyme dans de l'eau chaude ou du lait[56].
Aliments nécessitant d'être préparés par des juifs
Afin de prendre leurs distances vis-à-vis des Gentils, les Sages avaient interdit d'utiliser le vin, le pain et l'huile produites par les idolâtres[57]. Selon les Tossafistes[58], ces lois avaient été mises en application avant même le temps de Shammaï et Hillel.
Selon Rachi[59], ces lois avaient pour but d'éviter la consommation de nourriture impropre par inadvertance. En effet, afin de rendre grâce à la providence divine, il convient que la nourriture soit préparée dans le respect et la volonté de sanctifier YHWH et non une idole ; or, aux temps talmudiques, les libations de vin étaient un geste fort courant parmi les idolâtres[60]. Toutefois, selon des commentateurs ultérieurs, l'opinion de Rachi inclurait la nourriture préparée par des juifs non observants[61].
Les Tossafistes[62] estiment, quant à eux, que le but des Sages était d'éviter l'établissement de relations trop intimes, menant à des unions maritales mixtes, non souhaitables. Cette interprétation a été retenue par le Taz[63], et est la plus fréquemment évoquée pour justifier ces pratiques au Moyen Âge et par la suite.
Hagafen kosher vinery en Californie.
La sévérité à l'égard des Juifs non observants (plus exactement moumarim, apostats ou renégats) demeure en vigueur dans le Choulhan Aroukh[64] mais, au vu de l'ampleur de l'assimilation des Juifs survenue au XIXe siècle, certains décisionnaires modernes, pour la plupart proches du courant sioniste religieux, ont levé cette clause[65], la non-observance des lois ne relevant plus d'un « esprit de fronde ». D'autres se sont cependant prononcé en faveur de son maintien[66].
Parmi les nourritures doivent être préparées en totalité ou en partie par des enfants d'Israël :
- Le vin[67], qui doit être fabriqué sans aucune intervention d'un Gentil dans la chaîne de production. L'interaction ne peut même pas avoir lieu de façon indirecte, par exemple par une main tenant un couteau touchant la bouteille de vin, par un non-juif. Certains décisionnaires, et les Juifs qui se plient à leurs décisions, poussent ce principe jusqu'à refuser d'avoir des convives non juifs, ou des juifs non pratiquants, de peur de rendre impropre à la consommation un vin pourtant préparé dans les règles[68],[69],[70]. Toutefois, il est autorisé d'offrir un vin pasteurisé, qui a le même statut qu'un vin cuit (yayïn mevoushal), ou d'autres alcools, produits à partir d'autres éléments, tels que la vodka, le whisky, etc. Cependant, si les alcools sont a priori kasher, d'aucuns (en Pologne notamment) préfèrent manufacturer leur propre vodka kascher, à partir de grains soigneusement triés pour en éliminer les petits insectes éventuellement prisonniers, afin d'écarter le moindre doute.
- Certains plats[71].
- Selon certains, et seulement dans certaines circonstances, le pain[72].
Les Samaritains constituent un cas particulier car, bien qu'ils ne soient pas reconnus comme membres de l'assemblée d'Israël, le Talmud autorise la consommation de leur nourriture, sous supervision d'un Juif[73].
Le fromage, le beurre (selon certains) et de nombreux produits laitiers (hébreu : חלב ישראל, halav Israël, lait d'[un enfant d']Israël)[74] doivent également être supervisés par un Juif, mais pour les seules raisons de cacheroute évoquées par Rachi et non de séparation sociale. L'interdiction du fromage est due à la double précaution de faire ajouter par un Juif au lait kascher de la présure d'origine animale (extraite de l'estomac des ruminants) dont il est établi qu'elle provient d'animaux kascher ; de nos jours, la présure kascher est obtenue par reconstitution de conditions dans lesquelles des micro-organismes obtenus par transgenèse peuvent synthétiser une enzyme possédant des propriétés similaires à la chymosine animale[75].
Attestation et label de cacherouth
Article détaillé : Hekhsher.
Le sigle sur un paquet de crème à café.
Les produits manufacturés ne peuvent être mis en commerce que s'ils ont été certifiés kascher.
Aux États-Unis, les associations religieuses ont créé des labels (le sigle de l’Orthodox Union est le plus courant, mais il en existe plusieurs dizaines) pour garantir le contrôle. Tous ne sont cependant pas de fiabilité équivalente. Dans certains États à forte population juive, le label kosher est devenu une marque déposée.
En France, le Consistoire, l'autorité juive créée par Napoléon Ier et reconnue par le Ministère de l'intérieur, publie chaque année une liste de produits contrôlés et appose son label, le KBDP (kascher [certifié par le] Beth Din de Paris), dans les magasins et commerces sous sa surveillance[76].
En Israël, la mention « kascher » est apposée sur les produits contrôlés par les autorités rabbiniques reconnues.
Il n'est pas suffisant de lire la liste des ingrédients, car beaucoup de facteurs ne sont pas pris en compte, dont les graisses utilisées pour lubrifier les poêles (qui peuvent être dérivées du lard), les additifs alimentaires (les « arômes naturels » sont souvent dérivés d'animaux ou de substances impures), etc. De plus, des produits kascher peuvent cesser de l'être sans que cela ne soit indiqué, par exemple en introduisant du suif dans le procédé de fabrication.
C'est pourquoi des assemblées juives compétentes soumettent les produits destinés à leur consommation à des principes que le vocabulaire actuel nomme « principe de précaution » et « traçabilité » : tout produit qui n'est pas explicitement contrôlé pendant toutes ses phases de production est refusé.
Réciproquement, les producteurs de nourritures et additifs alimentaires souhaitant s'ouvrir à ces marchés contactent ces autorités juives afin que leurs produits soient certifiés kascher : un comité visite leurs installations afin d'inspecter les méthodes de production et les contenus, avant de délivrer un certificat de conformité aux lois sur la consommation. Une supervision constante est souvent requise, permettant en outre d'éviter les incidents liés aux changements de méthode ou de contenu.
De tels changements sont souvent coordonnés avec le rabbin ou l'organisme de supervision afin de s'assurer que le nouvel emballage n'indiquera aucun hekhsher ou autre indice de cacheroute en cas de cessation de conformité. Cependant, comme on ne peut exclure qu'un stock de labels préexistant au changement soit écoulé, des organismes au sein de la communauté juive éditent des journaux et périodiques afin d'identifier les produits devenus questionnables à partir d'une certaine date, et ceux devenus kascher bien que dépourvus de hekhsher.
Cette insistance de Juifs pratiquants à n'acheter que des produits attestés, ainsi que le degré d'exigence de qualité ont donné naissance en Amérique du Nord, où beaucoup de produits alimentaires sont certifiés kascher, la légende urbaine de la taxe juive, alors que le surcoût généré par le hekhsher serait minime et aisément compensé[77]. En France, une « taxe d'abattage »[78] ou « taxe rabbinique », perçue par l'autorité religieuse qui attribue le certificat de cacheroute, a été évalué en 2000 par le gouvernement français à 8 francs par kilogramme de viande bovine commercialisée et constituerait environ la moitié des ressources du Consistoire central[79].
Cacheroute, végétarisme et végétalisme
Les végétaux kascher étant neutres (pareve), car ne contenant ni viande ni lait, les végétariens et végétaliens considèrent souvent, à tort, les produits pareve et kascher comme synonymes de végétaux. Cette équation souffre de nombreuses exceptions :
- le poisson (qui n'est pas un aliment végétarien) et les œufs, n'étant ni carnés ni lactés, sont également pareve ;
- de nombreuses crèmes pour café commercialisées aux États-Unis sont estampillées « lait » selon la loi juive car elles contiennent des protéines de lait (le plus souvent du caséinate de sodium). Elles ne possèdent cependant pas la valeur nutritive de produits laitiers ;
- à l'inverse, les rabbins peuvent accorder un statut pareve à un équipement normalement utilisé pour des produits laitiers, après cachérisation de celui-ci ; cependant, les traces de lait résiduelles peuvent être suffisantes pour causer des réactions chez les personnes allergiques aux dérivés laitiers, et le produit porte une mention « lait », bien qu'il soit halakhiquement pareve ;
- le fromage kascher peut être fait à base de présure animale kascher, ou de présure microbienne ; seule cette dernière correspond aux critères végétariens ;
- de même, la gélatine (qui n'est pas un aliment végétarien) peut, bien que d'origine animale, être estampillée pareve.
Attestations pour lieux de restauration[
Les hekhsherim destinés aux restaurants doivent prendre en compte des critères supplémentaires :
- le restaurant ne peut fonctionner lors du chabbat et des jours de fête ;
- les cuisines lactée et carnée doivent être séparées, et les plats ne peuvent être mélangés ;
- un mashguia'h doit vérifier quotidiennement les récipients et ustensiles de cuisson.
Bien des restaurants, particulièrement les delicatessen aux États-Unis, servent des plats traditionnels juifs sans être kascher. Souvent, ils se dénomment kosher style[80].
Observance de la cacherouth
Chez les Juifs
Guefilte fish
Le respect et le maintien de la cacheroute firent longtemps partie intégrante de la vie quotidienne des Juifs pendant plus de 1 500 ans, quel que soit leur lieu de résidence. La Bible[81] et l'archéologie[82] laissent entendre que certaines de ses règles étaient observées longtemps avant l'époque supposée de la révélation au Sinaï. De nombreux plats, considérés comme « typiquement juifs », étaient le reflet de son influence. Outre le guefilte fish, présentant l'avantage de ne pas enfreindre le chabbat, les Juifs étaient friands de poisson et de volaille, car ils ne nécessitaient pas la compétence d'un shohet pour être abattus (la consommation de volailles implique aussi l'expertise d'un chohét. Toutefois, il est vrai que la shéhita de volailles est moins complexe que celle de bovins qui implique, elle, plusieurs vérifications (poumons, etc.). Cela permettait à une majorité de Juifs connaissant, pour la plupart, les règles de base de la chéhita de la faire eux-mêmes. Mais de nos jours où la majorité des Juifs ne sait pas faire la chéhita, la consommation de volailles implique forcément la présence d'un shohet certifié). Une divergence sur un point de cacheroute, la consommation ou non de hamin (plat mijoté au cours de la nuit, cholent pour les ashkénazes, dafina pour les séfarades) à chabbat, était considérée comme l'un des signes les plus fiables pour identifier un adhérent au karaïsme, car ces scripturalistes de la Bible réfutaient l'interprétation rabbinique de laisser un feu allumé au cours du chabbat, et estimaient que seuls les aliments ne nécessitant pas de feu, c'est-à-dire des plats froids, étaient autorisés.
Par ailleurs, certains préceptes, dont l'abstention de porc et de mélanges interdits, avaient un impact si profond sur le comportement alimentaire des Juifs, pratiquants ou non, que celui-ci en constituait un signe distinctif : des communautés pourtant isolées comme les Juifs de la communauté historique de Kaïfeng étaient connus des Chinois comme les Tiao (ou « Diao ») jin jiao (挑筋教, approximativement « les sectaires qui retirent le tendon[83] »).
L'abstention de porc fut reconnue en particulier comme un signe majeur de « judaïsation », et mentionnée au cours des siècles par divers sources, dont les Satires de Juvénal, les annales de l'Inquisition espagnole, ou le dictionnaire de l'Académie Française. Elle est considérée à l'époque de la révolte hasmonéenne comme un cas recevable de yehareg vèlo yaavor (mourir plutôt qu'enfreindre)[84] ; cependant les rabbins ne l'inclurent pas dans cette modalité[85], considérant au contraire que l'observance de la cacheroute ne peut avoir priorité sur la préservation de la vie[86].
Au XVIIe siècle, Sabbataï Tsevi, l'un des plus célèbres prétendants juifs à la messianité, souhaita abolir une partie de ces règles, comme la consommation de la graisse. Ses mesures ne connurent cependant qu'un impact limité au cercle de ses partisans[87].
La cacherouth était, jusqu'à la réforme du judaïsme survenue au XIXe siècle, universellement observée parmi les Juifs, au point de se confondre avec leur traditions culinaires. L'observance inconditionnelle de la cacheroute, ainsi que de nombreux principes et pratiques étaient mise en question en Europe occidentale lors de la réforme du judaïsme. Toutefois, si les premiers décisionnaires réformés, dont Abraham Geiger, souhaitaient son abolition totale, n'y voyant qu'un archaïsme empêchant l'intégration des Juifs dans la société générale, certains mouvements réformés actuels, ainsi que le judaïsme reconstructionniste, encouragent à perpétuer au moins certaines règles, bien qu'ils n'en imposent aucune.
Le mouvement conservative, dont la vision se veut centriste entre orthodoxes et réformés, promulgue le respect de la cacheroute, avec toutefois certains aménagements, parmi lesquels :
- l'autorisation de la cachérisation des ustensiles et récipients sans hagala, c'est-à-dire avec de l'eau non-bouillante dans certaines circonstances. Les rabbins conservative autorisent donc le lave-vaisselle pour cet usage, bien que les plats carnés et lactés ne peuvent être lavés simultanément et que le lave-vaisselle ne puisse absorber des particules de nourriture[88] ;
- l'autorisation de la présure de ruminants pour le fromage[89] ou de gélatine d'os de cheval (qui n'est pas un animal pur), car celle-ci a été suffisamment modifiée au cours de sa fabrication pour rendre la matière d'origine inerte[90].
Actuellement, la cacherouth n'est rigoureusement observée que par les Juifs orthodoxes. La grande majorité des Juifs, réformés et reconstructionnistes compris, ne répondent pas aux exigences de la cacherouth. Un certain nombre maintient un sous-ensemble des lois, le plus souvent celles de l'interdit du porc et du cheval.
Réciproquement, si l'observance, complète ou relative, de la cacheroute fut un ciment national, la transgression flagrante de ces observances, contrainte comme ce fut vraisemblablement le cas des Xuetes[91], assumée comme ce fut notamment le cas de nombreux Juifs assimilés[92],[93], voire fièrement affirmée, comme ce fut le cas des kibboutznikim des débuts d'Israël[94], est l'un des symboles les plus criants de la rupture vis-à-vis de la tradition judaïque, d'ailleurs choisi par l'auteur de Pork and Milk, un documentaire réalisé en 2006 sur le retour au profane.
Évolution des pratiques chez les chrétiens
Du fait de leur origine juive, les premiers chrétiens ont dès l'origine été confrontés à la question de la cacheroute.
Paul de Tarse semble avoir été partisan très tôt d'un abandon de la cacheroute, pratique par trop juive, afin de favoriser l'expansion de la nouvelle religion chez les païens, ce qui aurait été entériné par Pierre et Jacques lors du concile de Jérusalem : « Quelques hommes, venus de la Judée, enseignaient les frères, en disant : Si vous n’êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés. Paul et Barnabas eurent avec eux un débat et une vive discussion. […] Alors quelques-uns […], se levèrent, en disant qu’il fallait circoncire les païens et exiger l’observation de la loi de Moïse. […] Une grande discussion s’étant engagée, Pierre se leva, et leur dit : […] pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? […] Lorsqu’ils eurent cessé de parler, Jacques prit la parole, et dit : […] je suis d’avis qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu, mais qu’on leur écrive de s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux étouffés et du sang[95] ». Ces interdictions seraient un rappel des lois noahides [96] : « vous ne mangerez point de chair avec son âme, avec son sang[97] ». L'interdiction des animaux étouffés va dans le même sens que l'interdiction du sang : un animal étouffé (non égorgé) reste remplis de son sang, et la consommation du sang est un interdit important du lévitique.
De fait, les courants majoritaires du christianisme ont considéré rapidement qu'ils représentaient une « nouvelle alliance », laquelle dépassait et rendait inutile les prescriptions de l'ancienne alliance, passée avec le peuple d'Israël. La conversion au judaïsme, et donc le respect des interdits du lévitique, ainsi que leurs interprétations rabbiniques (lesquels forment la cacheroute au sens strict) ont été considérés comme inutiles. Même le « compromis » institué par les actes des Apôtres (l'interdiction du sang) est tombé en désuétude.
À l'inverse, certains courants sont restés longtemps très attachés à la pratique de la cacheroute, comme les nazôréens ou Judéo-nazaréens[98] ou les ébionites, aujourd'hui disparus, et qui en avait leur propre version, refusant la consommation de viande[99].
Avec la réforme protestante, au XVIe siècle, le respect strict du texte biblique a de nouveau été mise en avant. Les protestants ont par exemple favorisé la version hébraïque de la Bible (le tanakh), au détriment de la vulgate des catholiques. Globalement, les protestants sont cependant restés fidèles à la vision de la « nouvelle alliance » rendant caduc les prescriptions alimentaires du lévitique et des actes des Apôtres, mais quelques courants très minoritaires ont cependant décidé d'y revenir. Si la cacheroute elle-même (prescription du lévitique plus règles rabbiniques) n'est pas pratiquée chez les chrétiens, les règles du lévitique, ou au moins inspirées de celles-ci, sont redevenues pratiquées par certains.
Au XXIe siècle, les courants chrétiens suivant au moins certaines des règles du lévitique se répartissent entre des courants remontant aux premiers temps de l'église, et qui ne les ont jamais abandonnés, et quelques courants issus du protestantisme qui y sont redevenus fidèles.
On trouve dans le premier groupe l'Église éthiopienne orthodoxe. Celle-ci interdit la consommation de porc, et encourage la circoncision.
Dans le second groupe, on trouve les mouvements protestants souhaitant respecter le lettre de la Torah. Ils ne retiennent cependant pas les modalités d'application de la cacheroute, comme l'abstention de mélanges, estimant qu'il s'agit d'innovations rabbiniques ultérieures non prescrites par le lévitique[100] comme l'Église de Dieu (Septième Jour). L'Église Adventiste du Septième Jour, de son côté, condamne la consommation de viande de porc et conseille même le végétarisme, mais sans l'imposer[101]. Les Témoins de Jéhovah reprennent l'interdiction du sang, en l'appliquant non seulement à sa consommation, mais aussi aux transfusions sanguines.
Quelques groupes judéo-chrétiens respectent la totalité de la cacheroute. Il s'agit de certains sous-ensembles (mais pas forcément tous) dit du Judaïsme messianique, une nébuleuse de courants essentiellement nord-américains qui entendent se définir comme à la fois pleinement Juifs et pleinement chrétiens, Jésus étant ici vu comme le messie annoncé par le Judaïsme, et toute référence à la théologie de la « nouvelle alliance » étant clairement écartée.
Pratiques dans les autres religions admettant la Torah
Les musulmans observent un code d'alimentation et d'abattage ressemblant de manière sommaire et surtout moins stricte à la cacheroute. Le halal et la dhabiha sont les pendants exacts de la cacheroute et de la shehita.
Les rastafariens ont adopté un code alimentaire inspiré de la Torah, l’Ital et possédant quelques interdits communs à la cacheroute, dont celui de la consommation de sang. Toutefois, les ressemblances sont peu nombreuses, et l’Ital prône davantage le végétarisme voire le végétalisme[102]. On trouve des règles similaires chez les African Hebrew Israelites of Jerusalem, un groupe religieux afro-américain.
Cacheroute et société
Abattage et respect des animaux
Selon le Talmud, la cacheroute représente un progrès en la matière, en prohibant la consommation du membre d'un animal encore vivant (ever min ha'haï), fréquente parmi les peuples environnants[103]. Pratiquée au nom du principe de tsa'ar ba'alei 'hayim (compassion envers les animaux)[103], la shehita a pour but d'entraîner le moins de souffrance possible ; adéquatement réalisée, elle supprime instantanément le flux sanguin cérébral de la bête, lui évitant en principe toute souffrance[104].
Toutefois, elle peut être perçue comme une pratique cruelle, contraire aux normes éthiques, du fait de son refus de pratiquer l'étourdissement pre-mortem (réalisé autrefois au moyen d'un coup de masse sur la tête, et actuellement d'une balle dans la tête) car l'animal serait rendu taref par ces méthodes, et a été de ce fait l'objet de luttes juridiques et de campagnes. Interdite dans certains pays européens, la shehita est autorisée dans d'autres au nom de la tolérance religieuse.
Certaines campagnes réclament l'abolition de tout abattage rituel[105], d'autres de rendre les méthodes plus « humaines. » Elles ne manquent pas de provoquer les réactions des communautés juives locales, qui y voient parfois une orientation antisémite. Ce caractère antisémite a été souligné dans certains, mais non tous les cas, et des groupes connus pour leur antisémitisme ont soutenu certaines de ces campagnes.
L’Institut national de recherche agronomique (INRA) a publié en 2009 un rapport pour tenter d’identifier et de limiter la douleur chez les animaux d’élevage. Il évoque le cas particulier de l’abattage rituel, au cours duquel l’animal n’est pas étourdi lors de la saignée. Il écrit notamment : « Des réglementations et des recommandations existent pour éviter ou limiter les pratiques douloureuses, mais on constate parfois leur non-respect lors de la mise en œuvre. De plus, il existe un vide juridique concernant les abattages hors abattoir par les éleveurs eux-mêmes (euthanasie), entre autres dans l’espèce porcine[106] ».
La cacheroute en Europe
Koschere Gummibärchen au Musée juif de Berlin.
Pour que sa viande soit cacher, l'animal doit être abattu sans étourdissement préalable. Or, cet étourdissement est obligatoire dans l'Union européenne pour diminuer la souffrance de l'animal. La viande casher est donc, a priori, interdite par la législation européenne. Cependant, dans un souci de tolérance vis-à-vis des groupes religieux, certains pays ont mis en place un régime de dérogation pour ce qu'ils appellent l'abattage rituel : Directive 93/119/CE et décision 88/306 de la Communauté européenne[107] Dans la pratique, la situation est différente suivant les pays et évolue dans le temps. La Norvège (depuis 1930), la Suède (depuis 1938), l’Islande, la Suisse (depuis 1893), la Grèce, le Luxembourg et six provinces d’Autriche n’autorisent aucune dérogation. La viande casher est donc interdite ; en revanche, il est souvent permis d'en importer. Le cas de la Suisse est encore plus compliqué car l'importation est seulement autorisée pour la communauté israélite (la viande vient exclusivement de Besançon en France voisine [PDF]). En Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Danemark, on observe une remise en cause de ces exemptions. En France[108] et en Belgique, les associations de protection animale comme l’OABA[Qui ?] tentent de sensibiliser l’opinion mais sans succès jusqu’ici. En Espagne, Irlande, Italie, il y a une dérogation sans débat public[109].
Si l'interdiction totale de la viande casher en Europe n'est pas d'actualité, il pourrait en revanche se produire à moyen terme une forte augmentation des prix freinant cette consommation. En effet, à la suite de la recrudescence des épidémies concernant le bétail européen ces dernières années[Quand ?], les associations de consommateurs exigent de plus en plus de traçabilité sur toutes les viandes. Elles insistent ainsi, notamment, sur le fait de voir apparaître en toutes lettres sur l'étiquette selon quel rite l'animal a été abattu[110]. Or, actuellement, compte tenu de l'interdiction religieuse de consommer l'arrière du bœuf (voir plus haut), la moitié de la viande casher est considérée comme impropre à la consommation de la communauté israélite et est revendue, de façon anonyme, dans la filière classique.
Dans un rapport rédigé par le COPERCI (Comité permanent de coordination des inspections : Inspection générale de l’Administration, Inspection générale de l’Agriculture, Conseil général vétérinaire) remis en septembre 2005 à Messieurs les ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture, il est précisé qu’une part « non négligeable de la viande abattue rituellement est vendue dans le circuit classique, sans mention particulière[111] ». Ces parties étant les plus tendres et les plus onéreuses du bœuf, leur coût est prépondérant dans le coût de la viande casher. Si, une fois ces consommateurs informés, une grande majorité des consommateurs boudaient cette viande. En effet, selon une enquête IFOP de décembre 2009, 72 % des Français, sont opposés à la dérogation permettant l’abattage d’animaux sans qu’ils soient étourdis. 24 % des Français acceptent de consommer de la viande issue d’un animal abattu sans étourdissement préalable[112],[113],[114],[115]. Cette partie arrière du bœuf deviendrait difficilement vendable et le prix de la partie avant qui est cashere augmenterait mécaniquement[111],[116]. C'est la raison pour laquelle les abattoirs israélites refusent avec force la mise en place d'un tel système de traçabilité[117],[118]. Le rapport du COPERCI ne fut jamais rendu public. Le sujet reste sensible. Les producteurs de viande comme les industriels craignent « de voir les clients se détourner d'une viande abattue rituellement », reconnaît-on à la Fédération nationale de l'industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV)[119].
L'incidence du projet de directive européen d'étiquetage
Le projet Dialrel (« Dialogue sur les abattages religieux »)[120] de la commission européenne conclu au fait que l'absence d'étourdissement pre mortem accentue les souffrances animales. Les viandes cachères ne sont donc pas conformes à la réglementation européenne[121]. Avant de trouver la solution de mise en conformité à cette réglementation, Le 16 juin 2010, le Parlement européen a voté un amendement dans le projet de réglementation sur l'étiquetage[122]. Les viandes provenant d'animaux abattus rituellement feront l'objet d'un étiquetage spécial à caractère négatif[123]. L'abattage sans étourdissement (comme l'exigent les traditions religieuses musulmanes ou israélites) devra être signalé (amendement no 205 adopté à une très large majorité). À la suite de ce vote préliminaire en première lecture, il apparaît que trop de divergences existent encore avec le Conseil pour espérer arriver à un accord dans le futur proche. Les députés s'attendent donc à devoir re-légiférer en deuxième lecture sur le projet de règlement[124]. Cet étiquetage aura pour conséquence que ces viandes n'entreront plus dans les circuits de distribution classiques. À court terme, on peut prévoir que les croyants ne pourront plus acquérir des viandes provenant d'animaux abattus rituellement en Europe.
La cacheroute aux États-unis
Katz's Deli, un haut-lieu de la cuisine juive new-yorkaise, kosher style but not kosher, c’est-à-dire de style casher mais non casher.
Taux de respect de la cacheroute par la communauté juive américaine
Le judaïsme orthodoxe, 22 % des 4,3 millions de Juifs américains, et le judaïsme conservateur, 33 %, tiennent à ce que les Juifs suivent les lois de la cacheroute en tant qu'obligation religieuse. Dans le judaïsme réformé, 38 %, et le judaïsme reconstructioniste, 2 %, ces lois ne sont plus appliquées. Historiquement, le judaïsme réformé, le mouvement le plus important avec environ 1,5 million de membres, s'est activement opposé à la cacheroute comme archaïsme empêchant l'intégration des Juifs dans la société générale. Plus récemment, quelques parties des réformés ont commencé à explorer l'option d'une approche plus traditionnelle. Cette faction, appelé « tradition-penchement » est d'accord avec les réformés qui pensent que les règles de la cacheroute ne sont pas obligatoires, mais croit que les Juifs devraient envisager de les maintenir parce que c'est une bonne manière pour renforcer la sainteté de leur vie. Ainsi, des Juifs sont encouragés à envisager d'adopter une partie ou toutes les règles de la cacheroute à titre volontaire. Le mouvement des Reconstructionistes préconise que ses membres acceptent certaines des règles de la cacheroute, mais de le faire sur un mode non contraignant ; leur position sur la cacheroute est identique à l'aile « tradition-penchement » de la réforme. Certains Juifs qui ne répondent pas aux exigences de la cacheroute néanmoins maintiennent un certain sous-ensemble des lois ; par exemple, évitent le porc, le cheval, le lapin, les insectes, les mollusques et crustacés où éviteront même la consommation de lait avec un plat de viande.
D'après le sondage des « Jewish Federations of North America » de l'an 2000, 21 % des Juifs américains affirment maintenir la cacheroute à la maison[125], y inclus ceux qui ne mangent pas cacher en dehors de leurs maison[80].
Cacheroute et droits des animaux
Les scandales à partir de l'année 2004 autour du plus grand abattoir kacher aux États-Unis « Agriprocessors » opéré par une famille de Juifs ultra-orthoxes Loubavitch, qui ont choqué beaucoup de Juifs américains, ont augmenté la sensibilité des communautés juives pour les méthodes de l'abattage rituel des animaux, les droits des animaux et les associations de défense des animaux, notamment PETA[126][réf. insuffisante], qui était parmi les premiers à dénoncer les abus des animaux dans cet abattoir à Postville dans le Iowa[127].
Cacheroute et conditions de travail
De même, le traitement des ouvriers dans l'abattoir « Agriprocessors », dont la majorité étaient aux États-Unis illégalement, a mené à des discussions sur le traitement des êtres humains dans la loi juive.
La cacheroute en Israël
McDonalds cachère en Israël.
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Tentatives d'explication de la cacheroute
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La Torah ne présente guère d'explication de ses lois alimentaires. À ce titre, des auteurs, religieux ou laïques, ont présenté de nombreuses tentatives d'explications, aucune n'ayant jamais réuni un consensus autour d'elle, faute de données factuelles incontournables.
Une tradition religieuse inexpliquée
Les lois alimentaires tiennent une place prépondérante dans la Torah, dès ses premières prescriptions[128], mais si la Torah décrète, elle ne présente pratiquement aucune justification à ses nombreuses ordonnances, à l'exception du caractère vital du sang[26], du souvenir de lutte de Jacob avec l'ange[22] et de la sainteté[129].
La littérature prophétique n'en fournit pas davantage, bien qu'elle juge sévèrement ceux qui ne la suivent pas[130].
La littérature tannaïtique s'appuie sur son caractère inexpliqué pour conclure à l'inspiration divine de la Torah, écrite aussi bien qu'orale[131], et les philosophes juifs classifient la législation relative à la cacheroute parmi les houqim, prescriptions pour lesquels on ne connaît pas d'explication rationnelle[132], et pour lesquelles certains, comme Abraham ibn Ezra, jugent futiles toute recherche d'une raison spécifique[133].
Les juifs observant la cacherouth considèrent qu'elle doit être suivie du fait de son caractère biblique, indépendamment de son explication[134]. Cependant, de nombreux penseurs, Moïse Maïmonide en tête, estiment licite de tenter de l'explorer et d'essayer de la comprendre[135]. Plusieurs explications ont été proposées, parfois par un même penseur, sans qu'aucune n'ait fait consensus jusqu'à présent.
Un rituel symbolique
L'école judéo-alexandrine, dont Philon d'Alexandrie est l'un des représentants, ébauche aux premiers siècles de l'ère commune une rencontre entre judaïsme et philosophie. Celle-ci, à but partiellement apologétique, présente le judaïsme comme une forme de philosophie avant la lettre, et la cacheroute comme un ensemble de lois symboliques. Cette approche, apparaissant également dans les écrits des premiers Pères de l'Église, rencontra peu de succès. L'approche symbolique fut également choisie par l'un des fondateurs du judaïsme orthodoxe moderne, le rabbin Samson Raphaël Hirsch dans son Horeb.
Les animaux kascher représentent la vertu, tandis que les autres incarnent le vice[136]. La prohibition du mélange de la viande et du lait représente une séparation symbolique entre la mort et la vie, respectivement. L'aspect de mansuétude de cette prescription[137] peut également être considéré comme symbolique, car ni le jeune animal ni sa mère n'auraient compris la cruauté de l'acte et n'en auraient conçu de souffrance supplémentaire. De même, la prohibition des animaux carnivores, des animaux malades ou décédés pourraient en partie s'expliquer par leur caractère symbolique perçu[138].
Une pratique d'hygiène
Afin d'expliquer la cacheroute dans la tradition juive, « les voix n'ont pas manqué qui attribuèrent à cette prohibition des raisons sanitaires, sans vouloir pour autant les considérer comme seules valables[139]. »
Ces voix sont souvent celles de sages exerçant la médecine, à commencer par Moïse Maïmonide, dont l'exemple est plus ou moins suivi par Nahmanide et Gersonide[133]. Par exemple, Maïmonide déclare que
« le sang et la bête morte […] forment une mauvaise nourriture, […] les graisses des entrailles sont trop nourrissantes, nuisent à la digestion et produisent du sang froid et épais ; [quant aux mélanges carnés et lactés,] c'est là une nourriture très épaisse qui produit une surabondance [de sang][140]. »
C'est également pour cette raison que certains interdisent les mélanges de lait et de poisson[44], et c'est également à elle que des apologues de la prescience biblique font recours afin de justifier les aspects inexpliqués de la loi mosaïque et de ses élaborations rabbiniques en s'appuyant sur les découvertes de la science moderne. Par exemple :
- La proscription de porc diminuait fortement l'incidence de trichinose[132].
- La proscription des prédateurs et charognards préserve des maladies véhiculées par les charognes[133].
- Les fruits de mer meurent rapidement après avoir été pêchés et libèrent rapidement diverses substances, dont l'histamine, et sont responsables chez le consommateur d'empoisonnements et de troubles allergiques[141].
- En 1953, le Dr David I. Macht, un pharmacologue, bibliste et chercheur à l'université Johns-Hopkins, effectua une étude comparative sur les concentrations en toxines des animaux purs et impurs, et conclut à une corrélation à 100 % avec la classification énoncée dans le Lévitique[142]. Il indiquait également les effets délétères des mélanges lacté-carné, notamment l'apparition d'une intolérance au lactose et l'abaissement du niveau des toxines dans la viande abattue rituellement[143]. Ses conclusions furent débattues par la suite par des biologistes à la demande de l'Église Adventiste du Septième Jour[144].
Cependant, l'idée n'était pas universellement admise, et ces aspects sont considérés comme une conséquence inattendue et non la cause de la cacheroute[132]. Cette hypothèse est insuffisante pour expliquer d'autres aspects de la cacheroute, dont la orlah. Par ailleurs, il ne figure aucune liste de végétaux permis et interdits, alors que de nombreuses plantes, y compris au Moyen Orient, sont vénéneuses ou nocives pour l'homme. De même, Isaac Abravanel objecte que de nombreux plats malsains ne sont pas proscrits par la Torah, et qu'il n'est pas établi que les non juifs se portent moins bien que les juifs[145].
Une mesure de sanctification morale
Selon Moïse Maïmonide, le but véritable de la cacheroute est l'élévation de l'individu via la maîtrise de ses instincts et désirs[132],[134]. La shehita, abattage rituel de bêtes soigneusement sélectionnées, se substitue à la chasse, premier expédient naturel contre la faim, se doublant d'une soif de sang et résultant en un mode d'alimentation indiscriminé. La prohibition de manger des fruits d'un arbre lors des trois premières années suivant sa plantation permet d'apprécier sur une longue période les bienfaits prodigués et d'en jouir avec respect plutôt que de la manière rapide et irréfléchie qu'entrainerait leur consommation immédiate. La dîme, outre son aspect de justice sociale, a pour but, ainsi que le rappelle la Torah, de rappeler que la fortune matérielle n'est pas le fruit du seul effort mais aussi de la providence divine, à laquelle il est juste de rendre son dû.
Le Rav Kook explique également l'interdit de la cuisson du chevreau dans le lait de sa mère comme un acte de mansuétude envers les bêtes, en s'abstenant de faire cuire la victime d'un assassinat, fût-il saint, dans le fruit d'un vol[137].
Selon la doctrine hassidique, d'inspiration kabbalistique, la sanctification de l'acte de manger (en le réalisant avec une intention appropriée — se fortifier pour mieux suivre les lois de la Torah) est nécessaire pour libérer les « étincelles de sainteté, » incluses dans tous les objets[146]. Ces « étincelles » sont en réalité des voies de communication avec le divin, et leur « activation » permet d'amener la Présence divine dans le monde physique[147]. Cependant, les étincelles ne peuvent être libérées de la matière constituant tous les animaux[148], raison pour laquelle des « signes » ont été donnés dans la Torah pour les identifier[149].
Les sabots fendus symbolisent un ancrage incomplet dans le monde matériel, et donc une voie plus facile vers le spirituel ; la rumination de nourriture (la nourriture symbolise la Torah, et la sainteté en général), c'est-à-dire la double mastication symbolise la faculté de pénétrer plus profondément dans des concepts saints ou dans la sainteté, ce qui s'accorde bien avec la nécessité de séparer les étincelles de leur matière.
Ces signes ne sont cependant que des signes, et ne rendent pas l'animal kascher par leur présence : un chameau qui serait né avec les sabots totalement fendus ne deviendrait pas pur pour autant.
Une mesure de sanctification ethnique
Le concept de sanctification, dans son acception étymologique de « distinction » ou « séparation, » a également fait l'objet d'investigations académiques.
L'anthropologiste de la culture Mary Douglas a écrit dans son Purity and Danger comment les Israélites pourraient avoir utilisé l'idée de la distinction (ici par les lois alimentaires) comme une façon de créer la sainteté[150].
Gordon Wenham, théologien chrétien, pense que les lois rappelaient à Israël quelle sorte de comportement était attendu d'elle, qu'elle avait choisi d'être sainte dans un monde impur[151], c'est-à-dire distincte et ne devant sous aucun prétexte se mêler à l'impureté : tout comme les décrets rabbiniques, les prescriptions bibliques avaient pour effet de diminuer l'assimilation culturelle et les mariages mixtes avec les peuplades environnantes, renforçant le sentiment d'une identité juive propre.
La circoncision aussi leur était relativement propre (mais d'autres peuples la pratiquait, comme les Égyptiens), et surtout, elle était de l'ordre du privé, alors que les lois alimentaires étaient une pratique visible publiquement. Leur observance était un donc signe de distinction, et contribuait à renforcer l'attachement des Israélites puis des Juifs à leur spécificité[152]. »
C'est également à cette conclusion que parviennent (avec une certaine prudence) Israël Finkelstein, archéologue, et Neil Asher Silberman, historien, en interprétant les résultats des fouilles archéologiques menées en terre d'Israël. Dans une couche datée entre les XIIe et XIe siècles avant l'ère commune, on a retrouvé, dans les hautes-terres de l'est de Canaan (c'est-à-dire dans l'actuelle Cisjordanie), ce que les auteurs de La Bible dévoilée pensent être les premiers établissements israélites dans la région. Ces hameaux se distinguent des villages avoisinants par l'absence d'os de porc.
« Tandis que les premiers Israélites ne mangeaient pas de porc, les Philistins, en revanche, en consommaient ; il en est de même des Ammonites et des Moabites établis à l'est du Jourdain, si l'on en croit les données rudimentaires dont nous disposons. L'absence de consommation de porc ne s'explique pas seulement par des raisons environnementales ou économiques. Elle reste en fait le seul indice que nous possédions d'une identité précise, partagée par l'ensemble des villageois [des hautes-terres …]. Le monothéisme, ainsi que les traditions sur l'exode et sur l'alliance n'ont fait leur apparition, semble-t-il, que bien plus tard. Donc, un demi-millénaire avant la composition des textes bibliques, qui présentent les détails des règlements diététiques, les Israélites avaient décidé de ne plus manger de porc sans doute parce que le porc se conservait très mal dans des zones à fortes chaleurs. Lorsque les Juifs contemporains observent cette interdiction, ils ne font que perpétuer la plus ancienne pratique culturelle du peuple d'Israël attestée par l'archéologie[153]. »
Une sauvegarde socio-économique
Marvin Harris[154], anthropologue, a suggéré des raisons économiques à la cacheroute, et à l'interdit sur le porc en particulier. En effet, dans un pays aride comme la terre d'Israël, où le porc ne peut fourrager dans des forêts inexistantes, il ne peut être nourri qu'avec des céréales, dont ont également besoin les hommes. Lors des années de disette, un conflit se serait élevé entre les éleveurs de porc et les affamés. Par ailleurs, le porc est trop riche en graisse pour être conservé par salaison, ce qui est, selon Harris, le cas de nombreuses autres nourritures interdites. À noter qu'aucun historien n'a relevé des traces de ce conflit supposé, provoqué par l'élevage de porcs.
Notes et références
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- ↑ T.B. Rosh Hashana 3a.
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- ↑ « nous savons tous que, si une seule lettre de tout le rouleau de la Torah est quelque peu abîmée, alors tout le rouleau lui-même est nul, passoul […] » - Réussir toute l'année [archive].
- ↑ Paroles d'initiation au festin du futur [archive] de Claude Vigée.
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- ↑ Lévitique 11:9-12, Deutéronome 14:9-10.
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- ↑ Que signifie « Glatt Cacher » ? http://jattitude.net/que-signifie-lexpression-glatt-casher/ [archive]
- ↑ Lévitique 3:17.
- ↑ a, b et c Genèse 32:32. À noter que la numérotation des Bibles juives et chrétienne diffère : Genèse 32:32 de la bible chrétienne est Genèse 32:33 de la Bible hébraïque. La numérotation donnée ici est celle de la Bible chrétienne, cible du lien.
- ↑ Lévitique 17:10.
- ↑ Genèse 9:4.
- ↑ Genèse 37:26.
- ↑ a et b Genèse 9:5 ; Lévitique 17:11.
- ↑ Lévitique 3:17 ; Deutéronome 12 à 16.
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- ↑ cf. Exode 22:30.
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- ↑ Ces régulations ne concernent pas les poissons.
- ↑ Lévitique 7:26-27.
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- ↑ Exode 23 :19, 34 :26 et Deutéronome 14 :21.
- ↑ T.B. 'Houllin 113b.
- ↑ T.B. 'Houllin 115b.
- ↑ a et b Le Beit Yossef sur le Tour Yore Dea 87 l'interdit, mais le Shach et le Taz pensent qu'il s'agit d'une erreur de copiste, l'opinion n'apparaissant pas dans le Choulhan Aroukh, rédigé par le même auteur. Cependant, le Levoush et d'autres l'interdisent ; voir Ask Moses.com [archive].
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- ↑ Tossefot sur T.B. Avoda Zara 37b.
- ↑ Rachi sur T.B. Avoda Zara 38a.
- ↑ responsum 16120 de cheela [archive].
- ↑ Pis'hei Teshouva sur Choulhan Aroukh Yore Dea 113:7 ; Minhas Yitzchok, vol. 3, responsum 73 ; Kaf HaHayim sur Yore Dea 113:1 ; Yabia Omer, vol. 5, responsum 10 ; Tzitz Eliezer, vol. 9, responsum 41.
- ↑ Tossefot sur T.B. Avoda Zara 38a.
- ↑ Le Taz sur Yore Dea 113:7.
- ↑ Yore Dea 124:8.
- ↑ Entre autres Binyan Tsion Hahadashot 23 ; Ahiezer 4,37. Yahel Israel 1:20.
- ↑ Par exemple Min'hat Eliezer 1:74.
- ↑ Choulhan Aroukh, Yore Dea 113:5-6.
- ↑ Alliance Cachrout et vin [archive] : « Si la femme de ménage qui est employée chez nous est non-juive, ce qui est très souvent le cas, et qu'elle reste seule à la maison où elle peut avoir accès à du vin non cacheté, il faudra par précaution mettre la bouteille dans un endroit fermant à clé sans quoi celui-ci pourrait par la suite devenir non cacher. »
- ↑ Aliments et vin non cacher [archive].
- ↑ [1] [archive].
- ↑ Choulhan Aroukh, Yore Dea 114.
- ↑ Choulkhan Arouh, Yore Dea 112, Ora'h Hayim 603 - voir aussi le commentaire du Rav Soloveitchik [archive].
- ↑ T.B. 'Houllin 3b, Yer. Orlah 2:7, Yer. Avoda Zara 5:4.
- ↑ Choulhan Aroukh, Yore Dea 115 ; en ce qui concerne le lait, de nombreux décisionnaires du XXe siècle, dont le Rav Moshe Feinstein (Iggerot Moshe sur Yore Dea 1:47), jugent qu'une supervision gouvernementale stricte prévient toute adjonction de lait non kascher, ce qui rend la supervision superflue – voir aussi l'opinion du Rav Joseph Soloveitchik [archive].
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- ↑ Arrêt « Cha'are Shalom Ve Tsedek c. France » [archive], Cour européenne des droits de l'homme, requête no 27417/95, 27 juin 2000.
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- ↑ Par exemple Genèse 19:3 et le commentaire de Rachi sur ce verset.
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- ↑ « Un juif, c'est quelqu'un qui n'a pas d'arbre de Noël, qui ne devrait pas manger de jambon, mais en mange tout de même, qui a appris un peu d'hébreu à treize ans et l'a oublié ensuite » -- Primo Levi, Le Système périodique, p. 43, éd. Albin Michel, 1987, collection Le Livre de Poche, (ISBN 2-253-93229-9).
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- ↑ Élie Munk, La Voix de la Tora, Commentaire du Pentateuque sur Lévitique 3:17, Fondation Samuel et Odette Levy, Paris, 1981.
- ↑ Moïse Maïmonide, Guide des Égarés, Éditions Verdier, 1979, p. 595.
- ↑ L. Pargamin, « L'alimentation kachère face à l'hygiène moderne ». Thèse de doctorat vétérinaire. Toulouse 1980. p. 19.
- ↑ (en)Dr David I. Macht, An Experimental Pharmalogical Appreciation of Leviticus XI and Deuteronomy XIV [archive], Bulletin of the History of Medicine 27:444-450.
- ↑ (en)David I. Macht, Medical Leaves 1940; 3:174-184.
- ↑ Ministry Magazine, March 1953, p. 37-38 « This Question of Unclean Meats » [archive], réponses à l'étude de Macht par les responsables des départements de biologie.
- ↑ Elie Kahn, le Livre juifs des Questions-Réponses, p. 189.
- ↑ (en) Food:an anthology [archive].
- ↑ (en) The Chassidic Masters on Food and Eating [archive].
- ↑ (en) Issur Ma'akhalot [archive].
- ↑ (en) The Art of Eating [archive].
- ↑ (en) The Jewish dietary laws and their foundation[PDF] [archive].
- ↑ (en) A Review of Story as Torah [archive].
- ↑ (en)Gordon J. Wenham, « The Theology of Unclean Food », The Evangelical Quarterly 53, no de janvier-mars 1981, p. 6-15.
- ↑ La Bible dévoilée, Israël Finkelstein et NA Silberman, Bayard éditions, 2002, pages 144-145.
- ↑ (en)Marvin Harris, Cows, Pigs, Wars and Witches - The Riddles of culture, éd. Vintage 1989 (ISBN 978-0-679-72468-1).
Annexes
Orthographe et transcription des termes
- Le mot כשרות est transcrit de diverses façons, parmi lesquels cacherout, cacheroute et cacherouth. Le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme ( éd. Cerf/Robert Laffont, collection Bouquins, Paris 1996) privilégie la première de ces formes.
-
Le terme כשר est prononcé et translittéré différemment selon qu'on soit originaire d'Europe centrale et orientale ou du bassin méditerranéen. Les pays anglo-saxons s'alignent sur les premiers et écrivent « kosher » ou « kasher » tandis que « kacher » ou « cachère » prédominent dans les pays francophones, qui suivent les seconds.
Le Petit Larousse propose les orthographes « kasher », « casher » ou « cacher » et présente ces adjectifs comme invariables.
La dernière édition du Dictionnaire de l'Académie semble privilégier l'orthographe « Kacher » et précise : « On écrit aussi Kasher et, moins souvent, Cacher » (du fait du risque de confusion avec le verbe « cacher »). Le TLFi quant à lui propose les orthographes « casher », « cawcher » et « câchère ». Le dictionnaire Antidote propose « cascher », « cawcher », « cachère », « kasher », « casher » ou « kascher » mais semble privilégier « kascher ». Enfin, les rectifications de 1990 recommandent les orthographes « kascher » et « cascher ».
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http://dafina.net/gazette/article/les-coutumes-vestimentaires-des-juifs-orthodoxes
Les coutumes vestimentaires des Juifs orthodoxes
Article | dim, 05/02/2012 - 19:36
Les coutumes vestimentaires
À chaque croyance une tenue, signe d’appartenance à une communauté, à une histoire qui se perpétue au travers des siècles. Qui n’a pas été un jour intrigué par la barbe, les papillotes, le chapeau ou encore le manteau noir porté par certains juifs.
De la tradition à la modernité
Nous avons vu, dans un article précèdent que le Talit, le châle de prière, est un élément essentiel de la vie du croyant, tout comme le sont les Tsitsit, ces franges accrochées aux quatre extrémités du Talit. Cela constitue avec les Téfilins ou phylactères la base commune de la tenue de prière nécessaire à tous les pratiquants du judaïsme. Un lien entre Dieu et l’homme qui reste le même quel que soit le pays où la terre montrant aussi l’appartenance à un peuple unique.
Les Hassidim juifs originaires en majorité d’Europe de l’Est, vivant essentiellement en Israël et aux États-Unis ont conservé ces longs manteaux noirs, les grandes chaussettes montantes et le fameux Shtraïmel, ce chapeau noir dont les larges bords sont ornés de fourrure. Le pantalon et la veste noirs portés sur une chemise blanche seront la tenue de tous les jours pour d’autres croyants qui couvriront aussi leur tête d’un chapeau toujours noir du style Borsalino.
Si aujourd’hui les tenues courantes ont pris le pas sur certaines traditions il n’en demeure pas moins que le vêtement reste un signe d’appartenance visible pour tous. Seule une loi reste en observance pour la majorité des juifs celle de ne pas porter un habit confectionné de quelque manière que ce soit en laine et en lin mélangé(le Chaatnez). Mais il est possible de porter une chemise en lin sous un pull en laine, car ce n’est que le mélange des deux textiles qui est interdit. Signe de reconnaissance vestimentaire qui perdure dans le temps et est commun à tous les croyants du judaïsme : la Kipa. Ce petit chapeau que l’on porte avant d’entrer à la synagogue, que l’on soit juif ou pas, symbole de l’humilité de l’homme devant Dieu.
Barbe et papillotes.
On trouve l’origine du port de la barbe et des papillotes (Peot en Hébreu, Peys en Yiddish) dans une interdiction cité dans la Bible qui dit que l’on ne peut se servir d’outils tranchants et coupants à destination du visage.
Le sens spirituel de cette interdiction est qu’ainsi l’homme ne doit pas porter atteinte à son humanité en touchant à son visage. En cours chez les plus orthodoxes cette tradition ne s’impose pas à la plus large part des croyants qui ont adopté le rasage et la coupe de cheveux traditionnels.
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Orthodoxes : pourquoi un costume noir, et ce chapeau ?
Mis en ligne le Jeudi 27 Juin 2013
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Maïmonide écrit que le juif doit porter des habits indiquant clairement qu’il est juif. Il n’y a aucune importance intrinsèque à la sorte d’habit, ce qui est important, c’est que ce soit un signe de reconnaissance que le porteur de l’habit est juif. (chap. 11 des lois d’idolâtrie alinéa 1)
Ce pourrait être des pompons rouges ou des jeans troués. En ce moment, la "mode" est au costume foncé avec chapeau noir. Elle peut changer, et elle changera certainement.
Pourquoi des habits foncés ?
Il est marqué dans le Bet Yossef que le juif doit s’habiller avec des habits humbles, de couleur plutôt sombre. Les habits éclatants étant moins un signe de pudeur et d’humilité. D’autres disent que c’est en signe d’exil. (responsa Mahari Koulon)
Le chapeau est un signe d’honneur
Tous les rabbanim, talmidé ‘hakhamim ou personnes ayant un certain statut portaient le chapeau à l'époque.
Cela est mentionné dans le Tamud (traité Kidouchin chapitre 1). C’est donc le cas pour tous ceux qui s’identifient au monde juif pratiquant orthodoxe.
Par exemple, il est écrit dans la Kabbala du Ari Zal qu’il est impératif de mettre un chapeau pour réciter le Birkat hamazone, et aussi dans la prière car nous nous trouvons devant le Roi des rois, et il convient d’être habillé devant Lui avec honneur.
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https://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20080220104505AA2NT6K
Pourquoi les femmes juives portent elles des perruques ou des chapeau?
Dès son mariage, une femme juive doit se couvrir tous les cheveux en tout endroit ( pas seulement à la synagogue) et à tout moment (pas seulement Chabbat) et ceci, même après un veuvage ou un divorce. Selon tous les décisionnaires, et pas seulement selon le Zohar, aucun cheveu ne doit dépasser, que ce soit à la maison ou au dehors. La Guemara affirme que Kim’hit a mérité que ses sept fils soient des Cohanim Guedolim, des grands-prêtres, grâce au fait que même les murs se sa maison n’ont jamais vu ses cheveux.
"Trois catégories de vêtements de sont pas conformes à la Halakha (la Loi juive): les habits incorrects (du
point de vue de la Halakha) ; les habits ostentatoires; les habits négligés.
Les habits incorrects sont interdits de peur que l’homme ne porte son regard sur des parties du corps de la
femme qui auraient dû être couvertes. (…)
Les habits ostentatoires trop voyants attirent automatiquement l’attention. Une Bat Israël (fille d’Israël) doit
toujours paraître digne et gracieuse certes, sans pour autant attirer le regard. (…)
S’habiller de manière négligée traduit un manque de Tsniout. (…) Un habit négligé est le signe d’un manque
d’estime et de respect de soi alors que la Tsniout nous demande de réaliser combien la Bat Israël est
importante et combien il est nécessaire qu’elle soit toujours protégée."
En sommes il n'ya pas tant de différence dans les préceptes divins entre l'islam et les gens du livre! Ce sont leur application qui nous diffère d'eux!
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Des juifs orthodoxes refusent de s'asseoir à côté d'une femme dans un avion
Julien Vallet | le 12.10.2013 à 09:00
C'est une histoire rapportée par Henri Israël, rédacteur en chef du magazine de la CFDT. Le 30 septembre dernier, vers 11 heures, il embarque sur un vol Paris-Tel Aviv de la compagnie Air France. Parmi les passagers, quatre à cinq juifs ultra-orthodoxes, vêtus de leur habit traditionnel, montent avec lui dans l'avion. Là, un incident éclate : ils refusent de s'asseoir à côté de l'une des passagères, au motif qu'il s'agit d'une femme. Au terme d'une demi-heure de négociations avec un steward, la passagère accepte finalement de changer de place et l'avion peut finalement décoller.
Plateaux repas refusés
Mais en cours de vol, une quinzaine de passagers, juifs pratiquants, refusent de toucher à leur plateau-repas, pourtant estampillé casher - il est possible de choisir en avance son menu au moment de l'achat des billets. Ces passagers n'ont pas confiance en la nourriture qui leur a été servie et refusent d'en manger. Henri Israël demande alors à un steward ce que la compagnie compte faire avec la nourriture ainsi laissée de côté, et ce dernier lui répond qu'ils n'ont pas d'autre choix que de la jeter, règlement oblige.
Pour Henri Israël, qui se rend au moins une fois l'an à Tel Aviv, ce genre d'événement est totalement inédit : la dernier en date à sa connaissance remonte à 1991, lors de la première Guerre du Golfe, lorsque des juifs pratiquants s'étaient levés en plein vol pour prier au milieu de l'avion. Cependant, il n'exclut pas que des incidents du même type arrivent régulièrement, sans pour autant remonter aux oreilles de la direction des compagnies aériennes, ou même des syndicats. Les litiges sont réglés au cas par cas et les stewards ou hôtesses de l'air ne font pas rapports à leur hiérarchie.
Par voie de presse
Ce que nous confirme en partie David Ricatte, représentant de la CGT Air France. « Nous apprenons en général ce genre de choses par voie de presse, nous explique-t-il. Air France communique très peu sur ce type de sujets, surtout quand c'est lié à la religion, et donc polémique. La dernier problème en date que nous ayons connu, c'était au sujet des passagers obèses, qui devaient payer un deuxième siège ». Au moment où nous écrivions cet article, Air France n'était pas disponible pour un commentaire.
Sous couvert d'anonymat, une source au sein d'une compagnie aérienne israélienne nous confie ne jamais avoir eu le moindre souci à ce sujet. Avec le temps, le personnel de bord a appris à gérer ce genre de revendications liées à la religion. Les passagers juifs ultra-orthodoxes peuvent-ils pour autant demander à ne pas être assis à côté d'une femme lorsqu'ils achètent leur billet ? « Ils peuvent bien évidemment choisir leur place dans l'avion, nous répond-on embarrassé. Mais de là à choisir le sexe de leur voisin... ».
Un religieux emballé
image: http://www.fait-religieux.com/images/pages/mode_de_vie/juiforthodoxesac.jpg
En avril dernier, la photo d'un juif orthodoxe emballé dans un sac plastique à bord d'un avion était devenue virale après avoir été abondamment partagée sur les réseaux sociaux. Deux hypothèses avaient alors circulé sur la symbolique de ce geste. L'homme serait un Cohen, un membre du clergé, et serait donc astreint à des règles et lois particulières, notamment l'interdiction de marcher ou de passer au-dessus d'une cimetière juif. Le site JSS news explique qu'une interprétation de la halakha - corpus évolutif des lois et commentaires qui régissent la vie quotidienne des juifs -, fixe l'impureté des cimetières valable jusqu'au ciel. Passer au-dessus de la dernière demeure de juifs en avion serait donc interdit. Le site du quotidien israélien Haaretz rapporte que des scène similaires ont déjà eu lieu. En 2002, un homme qui avait emprunté le vol Tel-Aviv Londres s'était emballé de la sorte. le pilote était retourné à l'aéroport pour évacuer le passager. L'idée du sac en plastique proviendrait du rabbin Eliashiv, leader de la communauté ultra-orthodoxe de Lituanie.
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